[RAID 1] Là où la lumière n'est plus

Les alentours de la ville étaient clairs et dégagés ce matin là, aucun nuage ne venait ternir la pureté de la couleur rosée du ciel. Le groupe des quatre dragonniers de l’équipe d’Even avait décollé une bonne heure auparavant, et la peau écailleuse de leurs dragons luisait de plus en plus fort sous le soleil levant. Derrière eux, la ville n’était plus qu’un point de la taille d’une pièce de bronze. Là bas dessous, c’était Selenielle la terrible, Selenielle la cruelle, Selenielle la dangereuse… Sa surface était d’une intense couleur bleue, vue de haut : ils étaient en train de survoler la partie ouest de l’océan de Nigi, la jungle allait bientôt apparaître. Lorsque les flots écumants laisseraient enfin place à l’habituel tapis de feuillage de la jungle, Even donnerait le signal de descente.

Pour le moment, elle profitait du calme de ce vol en laissant traîner son regard un peu partout autour d’elle. Les raids étaient à chaque fois une occasion de se remplir les yeux de merveilles, et la jeune femme en profitait gaiement à chaque fois. Nox aussi était heureux et il le faisait savoir en soufflant de temps à autre une décharge électrique, ce qui faisait sursauter sa dragonnière à chaque fois, pour son plus grand plaisir. Le poids de la jeune femme ajouté à celui des nombreux sacs et du harnachement ne semblait pas du tout le gêner, et il volait d’une allure fluide et sûre. De part et d’autre, Davis et Alandy encadraient leur commandante tandis que Jakob fermait la marche, juste derrière le dragon de cette dernière. Ils volaient en formation serrée sur son ordre car elle avait peur d’une attaque des hydres volantes de Nigi. Grâce au ciel dégagé, ils craignaient moins ce genre de choses, mais le dieu des océans n’était pas le dernier des imbéciles. Even non plus d’ailleurs, c’est pourquoi elle jetait de fréquents regards sur l’étendue d’eau en dessous d’eux. Les hydres étaient rapides…

Fort heureusement pour eux, Monsieur Coquillage devait avoir autre chose à faire ce jour là et il ne leur envoya ni hydre, ni poisson volant, ni moule quelconque. Il avait essuyé le mois précédent deux raids des Eneliens, qui avaient victorieusement remonté avec eux pas moins de trois œufs, ce qui avait permis à Ene de faire faire à sa ville un véritable bond de plus de neuf cent mètres dans les airs. La fête qui avait suivit cet exploit resterait à jamais dans les meilleurs souvenirs d’Even… M’enfin. A ce moment présent, elle se trouvait perchée sur un dragon, haut dans le ciel, alors il n’était pas question de se laisser aller à des rêveries intempestives. Nox, d’ailleurs, était bien là pour le lui faire savoir : il battit des ailes, remontant brusquement d’un demi mètre et réveillant brutalement sa dragonnière, qui se laissa tirer de ses pensées en laissant échapper un grognement. La dragon avait raison, ils approchaient.

Sous l’équipe d’aventuriers s’étendait maintenant une forêt immense qui ne laissait apercevoir que le sommet des feuillages touffus de ses arbres. Aussitôt, Even se redressa sur sa selle, malgré le vent violent qui battait son visage, et se retourna à demi pour scruter l’horizon derrière eux : la ville suspendue n’était plus visible, ils étaient seuls. Un étrange sentiment d’oppression mêlée d’excitation saisit alors la jeune femme, qui ne put s’empêcher de sourire. Le vrai raid allait commencer, les sensations fortes se profilaient déjà à l’horizon… Franche adrénaline en perspective ! Impatiente d’être poursuivie par une horde de singes broyeurs armés de pierres, Even tourna la tête vers Davis, vers Alandy, puis se retourna encore une fois, cette fois pour regarder Jakob. Ils avaient l’air plus ou moins prêts. Rassurée sur l’état de sa petite armée masculine (son harem, quoi =D ), la jeune femme leva un bras puis siffla brièvement deux fois de suite : c’était le signal de la descente. Tout de suite après, Nox plongea en avant, presque à la verticale. Il n’avait pas attendu d’ordre de la dragonnière à son égard, comme d’habitude… Mais Even y était habituée, elle ne s’offusquait plus de ce qu’elle prenait au début pour des crises d’insubordination. Elle savait aujourd’hui qu’elle n’exercerait jamais un contrôle total sur sa monture, mais cela ne la dérangeait pas plus que ça. Elle avait confiance en Nox comme à un ami, et il lui avait déjà prouvé qu’il en était digne en lui sauvant plusieurs fois la vie… Mais bon, rien d’extraordinaire à ce niveau, de nombreux dragonniers pouvaient en dire autant.

Les arbres se rapprochaient maintenant à une vitesse fulgurante, et le grand dragon vert rétabli peu à peu une trajectoire horizontale, plus qu’à une vingtaine de mètres seulement des premières feuilles. Even ne voulait pas trop s’approcher des dangers de la forêt maintenant, elle attendait que ses compagnon l’aient rejoint pour donner ses instructions pour la suite…

[Pom pom pom... Monsieur le séduisant borgne, vous et moi sommes seuls pour ce début d'aventure ! Quel honneur =D Nous seront rejoints demain par un certain Davis, puis le six par le dernier beau gosse de l'équipe. Pour répondre à ton HJ de la piste : oui, je suis chanceuse

]

Retour à la case départ, là où tout avait commencé et où tout était toujours à recommencer. Selenielle, la planète empoisonnée, les attendait la gueule béante, prête à gober quelques humains de plus. Sa faim semblait sans fond. Les dieux sont immortels, dit-on, jamais ne s’assouviraient-ils de leur soif de vie humaine. Et bien les hommes, à leur façon, avaient quelque chose d’immortel aussi. Ne l’avaient-ils pas prouvé en survivant au courroux de ceux qui se dirent leurs créateurs?

Nigi fut le premier à accueillir le petit groupe. Jakob eut un regard vers le bas, observant le reflet flou des dragons au-dessus des eaux. En émergerait-il quelques créatures immondes, immorales, quelques hydres aux ordres de l’un des organes de la planète maudite? Apparemment pas, Nigi avait d’autres sirènes à fouetter, peut-être. Et bien tant mieux, se dit Jakob, même si au fond de lui, c’est avec un certain engouement contenu qu’il attendait le moment où « passer à l’action » prendrait tout son sens.

Suivant le dragon d’Even depuis le depuis, Luzo volait sans peine, appréciant le voyage bien simplement, légèrement calmé depuis l’heure passée. Il sembla cependant plus alerte, redressant la crête qui longeait le dessus de sa tête et sa nuque, lorsque la dense forêt d’Antu-Di apparue sous eux, de plus en plus vaste, enveloppant le paysage sous leurs yeux de son manteau vert, de son piège à dragons. C’était Nox, par son mouvement vers le haut, qui avait en quelques sortes éveillé l’attention de Luz. Jakob releva la tête à son tour et vit Even qui regardait au loin. Il n’imita pas le mouvement, préférant garder un œil vers l’avant et sur la forêt.

C’était bête, mais à chacune des fois où il avait dût se rendre dans cette épaisse forêt, il s’était demandé si, peut-être… et bien, si son père il… s’il était peut-être là-bas quelque part. Du moins ce qu’il en restait. Broyés par des singes où dévoré par quelque créature que ce soit, ou… C’était des idées de gamins, des réflexions stupides qui le déconcentraient…
Nouveau regard d’Even, à son adresse, cette fois. Un signal, très bien.
…Mais tout de même… Jakob s’était toujours étonné de voir retourner son père seul dans les profondeurs de cet abysse vert, même en temps d’hostilités, ou du moins de frictions, pour des jours et des jours qui devenaient parfois même des mois. « Il s’en va encore crever… » Qu’il disait à sa mère avant qu’elle ne lui envoie une claque derrière la tête. Et tout ça pour finalement se sentir coupable quand effectivement, il s’absentait pendant si longtemps qu’on le croyait mort…
Les autres avaient entamé la descente. Luzo rejoignit le groupe vite fait aussitôt que Jakob le lui signala. Ce n’était ni le moment de traîner, ni celui de ressortir de vieux souvenirs qui ne feraient que lui nuire.

Sous la formation de dragonniers, il semblait que des centaines de yeux les fixaient dans le noir, camouflés dans leur environnement hostile, guettant leurs proies. Mais ils étaient prêts, ils étaient faits pour l’être, ne restait plus qu’à ordonner tout ça. Les mains serrées sur les rênes, Jak attendait les ordres de sa commandante.

[walawala ze borgne is heeere. p-e un peu court mais cela ne fait que commencer héhé...

]

[DAVIS HERE =) lol. Très court aussi ^^" lol]

Ils volaient depuis maintenant près d’une heure, et pourtant, aucune trace d’une quelconque chaleur, ou fatigue du à la monotonie n’apparaissait sur le visage calme de Davis, ni même sur le regard ambré de sa dragonne. Celle-ci, sa longue envergure un peu trop grande pour elle déployée, se laissait porter par les divers courants d’air chaud et de froid qui montaient ou descendaient du sol pour garder une hauteur a peu près stable. Elle filait à la suite des autres, comme si elle flottait naturellement, ne donnant que quelques battements de temps à autre dans l’air chaud. Une vraie plume. Rien en la voyant ne laissait deviner le poids qu’elel faisait, ni même ses brusque excès de colère ou de furie. Non. En regardant la dragonne, on aurait plutôt pensé à une plume, une enveloppe de douceur sur cette terre… une douceur bien froide, il va sans dire ! Mais grâce à la capacité de la bête d’être un vrai congélateur sur pattes, le dragonnier et la monture se retrouvaient quelque peu à l’abri d’une quelconque poussée de chaleur. Utile lorsque l’on volaient plusieurs heures d’affilées sans aucun nuage dans le ciel ou quoi que ce soit. EN tant normal, quelqu’un les auraient sans doute sermonner de ne rien metre sur la tête pour se protéger des rayons, mais qui l’aurait écouté, cette personne ? Personne, sans doute, et encore moins Davis.

Son poids et celui des sac avait été équitablement répartit de par et d’autre du dos de sa belle. Une main sur l’un de ses pics glacé, il caressait doucement cette peau froide, se maintenant de l’autre bien assis. Cela pouvait paraître aisé, lorsqu’on les regardait, de tenir la dessus… mais pas du tout. Lol. Loin de là. C’est comme pour monter à cheval : il faut apprendre à anticiper les divers mouvements du dragon pour s’y sentir à l’aise. Fort heureusement, Hithlum avait un vol très souple et allongé, ce qui permettait de ne recevoir aucun a-coup, ou si peu.

Régulièrement, il jetait des coups d’œil autour d’eux, au cas où un danger éventuel pointerait le bout de son nez. On n’est jamais a l’abri sur Selenielle. Jamais… Même la ville lui paraissait peu sûre, enfin bon, il n’allait pas revenir la dessus. Quittant un instant ses pensées de prudence et son objectif, il s’autorisa un regard en direction d’Even. La jeune femme se débrouillait sur son propre dragon, elle aussi, profondément absorbée par sa monture. Nox, d’ailleurs, avait la manie d’émettre des éclairs de temps à autre. Hithlum ne réagissais pas vraiment, passive… Tiens donc, ce n’était plus l’insupportable bébé, mais bien la mémère tranquille qui se trouvait là. Comme quoi… lol. Les deux autres dragons se maintenaient, eux-aussi, en formation autour de la commandante.

Lorsque la jungle apparue enfin à leurs yeux, Even donna le signale de descente. Hithlum souffla bruyamment, faisant apparaître un nuage de brume glacée, avant de suivre le dragon qui filait à toute vitesse vers le sol. Oh non, pas question d’aller aussi vite, cocotte ! quoique.. Pour bien encadrer, il fallait suivre =S ! Donnant une légère pression des jambes sur ses flancs, la dragonne virevolta un bref instant avant de filer vers le sol, repliant ses ailes près de son corps pour gagner de la vitesse. Mois c’est large, plus sa va vite. Lol. Et arriver rapidement à la hauteur de Nox. Lorsque celui-ci redressa, la dragonne ouvrit ses larges ailes pour se freiner et ainsi, ne pas cogner quoi que ce soit en dessous. Le vent qui fouettait précédemment le visage du dragonnier s’amenuisa et il passa une main sur sa tête pour écarter les quelques mèches rebelles.

La forêt… Quelle « surprises » leur réservait-elle pour se raid ?
Davis ne put s’empêcher de se crisper légèrement au fur et à mesure qu’ils avançaient…

Les cimes des arbres que survolaient à ce moment là les dragonniers formaient un tapis vert d’apparence pelucheuse qui s’étendait à perte de vue. Vu d’ici, cela paraissait même agréable comme endroit… Ce raid n’étant pas le premier auquel Even participait ayant lieu à la jungle, cette dernière savait pertinemment que le dessous des choses était loin d’être aussi attirant. Et si certains des gars de son équipe n’étaient pas encore au courrant de cela, ils ne tarderaient plus à l’être… La dragonnière attendit que tous se soient regroupés autour d’elle pour se redresser, se retourner et leur parler d’une voix claire et forte pour que chacun l’entende.

-On descend par la prochaine trouée. Tenez vous prêts et attention à surtout rester discrets !

Cette dernière mise en garde était des plus importantes : une fois sous le couvert des arbres, le moindre des bruits se répercutait contre les troncs et portait à une distance terrifiante. Et si il y avait des choses qu’il ne fallait pas réveiller, c’était bien les bêtes qui se terraient dans la jungle d’Antu-Di ! Des singes broyeurs aux gros chats pleins de griffes, on pouvait aussi tomber sur quelques serpents et araignées d’une taille appréciable, ainsi que sur des chauve-souris pour le moins agressives… Les rivières qui sillonnaient la jungle étaient infestées d’énormes lézards à dentition dissuasive, accompagnés parfois par une multitude de petits poissons affamés qui n’avaient besoin que de quelques secondes pour vous délester de votre chair si vous aviez la mauvaise idée de piquer une petite tête. Le plus souvent sauvages, mais quelques fois à la botte du dieu de la forêt, ces animaux ne représentaient cependant pas la plus grande menace qui pesait sur les dragonniers. C’étaient les lianes vivantes qui avaient ce privilège… Créatures animées par Antu-Di lui-même, elles se confondaient avec les lianes inanimées de la forêt et attendaient patiemment que les intrus aient la mauvaise idée de s’approcher et s’enserraient à la manière des serpents autour de leur corps pour les étouffer, les étrangler ou les broyer... Et comme il était presque impossible de les différencier de leur jumelles passives, les aventuriers se tenaient le plus éloigné possible de tout ce qui ressemblait de près ou de loin à une liane.

Perdue dans ses sombres pensées, Even faillit rater la trouée qui s’ouvrit soudain sous les ailes de Nox. A cet endroit, les arbres étaient presque absents et laissaient place à une large étendue herbeuse, parfaite pour atterrir. La jeune femme siffla une nouvelle fois pour ordonner la rupture de la formation, mais plus doucement que lorsqu’elle avait donné le signal de la descente : ils étaient bien plus proches des dangers de la forêt maintenant… Nox effectua une large boucle au dessus de la trouée et sa dragonnière en profita pour observer longuement les lieux, à la recherche d’ennemis potentiel. A cette hauteur, elle n’en voyait aucun… Mais une fois à terre, cette conclusion serait peut être démentie.

S’élançant la première, Even fit effectuer à son dragon une rapide descente qui se termina en douceur sur le haut d’une butte. Les lieux semblaient toujours déserts, mais de nombreuses créatures malveillantes auraient put se cacher sous les nombreuses fougères qui parsemaient le sol inégal. Oubliant comme d’habitude toute notion de prudence, Even n’attendit pas que ses coéquipiers l’aient rejoint et mit pied à terre. Elle sortit ses deux dagues courtes de leur fourreau qui pendaient dans son dos et fit quelques pas…

Soudainement, quelque chose enserra sa taille, l’empêchant d’avancer plus. Paniquée, la jeune femme poussa un cri et tenta vainement de se débarrasser de ce qu’elle prenait pour une liane vivante, mais cette dernière resserra son étreinte. Furieuse contre elle-même, Even se débattit quelques secondes avant d’entendre un grognement las derrière elle, lui faisant tourner la tête. C’était Nox. Il posait sur elle ses grands yeux noirs plein d’intelligence et ne bougeait pas d’un pouce en la voyant en difficulté. C’était lui-même, avec sa queue, qui avait tenté de retenir la jeune femme pour l’empêcher de prendre des risques inutiles. Lorsqu’elle s’en rendit compte, cette dernière éclata de rire, soulagée, et fit demi tour pour se rapprocher de l’animal. Elle avait du mal à murmurer pour faire le moins de bruit possible…

-Quel idiot, vraiment ! Tu m’as fait peur !

Comiquement furieuse, elle lui lâcha un coup de pied dans la patte avant gauche, qu’il ne du même pas sentir, et s’adossa à son épaule musclée couverte d’écailles vertes pour attendre les autres. En levant les yeux, elle pouvait voir les grandes ailes translucides du dragon d’Alandy, qui se posa trois mètres plus loin quelques instants plus tard.

Ca y est. D’ici quelques minutes, ils auraient tous posé pied à terre, sur le tapis vert du dieu de la forêt, sur son tapis chargé de pièges tous voués à les éliminer. L’aventure débutait véritablement et le danger serait dans un instant tout autour d’eux. Discrétion et vigilance seraient de mise, comme madame la commandante l’avait fait remarquer. Et au signal de cette dernière, Jakob quitta la formation et Luzo s’éleva légèrement dans les airs, effectuant un large cercle autour de la trouée vers laquelle s’étaient engagés Even et Nox.

Rien à l’horizon ne menaçait, mais il y a dans le calme des dieux un danger encore plus angoissant que leur colère exposée au grand jour. Avec le doute, l’attente et le tourment, l’on a le temps de penser, de prévoir, de questionner, alors que quand vient le moment de frapper, ce n’est que sur les actions, que l’on se concentre. Du moins, tel est le cas de Jakob et, pour cette raison, il préfère mille fois mieux se jeter dans la gueule du loup plutôt que l’attendre en sachant qu’il est là et qu’il le guette, attendant le bon moment pour frapper. Certes, en raid, le but n’était pas de se battre contre les dieux et leurs armées de monstres et de créatures diverses, mais plutôt de prendre possession des œufs de dragon et de repartir sains et saufs avec. La mission serait-elle remplie aujourd’hui?

Nox s’était posé, Alandy avait entamé sa descente et Jakob serait le prochain. Une dernière fois il posa son regard vers le ciel. Selenielle était à peine visible ; une étoile éteinte dans le ciel bleu. En s’engouffrant dans la forêt où veillait sans arrêts la nuit, les dragonniers n’étaient pas assurés d’en ressortir. D’une certaine façon, sans cette possibilité, la victoire ne serait plus la même et, peut-être Jakob n’en serait-il pas ici aujourd’hui…

Il détourna vivement la tête, fixant son attention sur la trouée qui s’ouvrait sous eux. Even avait crié. Quoi, déjà? Il se pencha sur l’encolure de Luzo, l’incitant par la même à aller vers le bas. Toujours en tournoyant, le dragon resserra lentement ses cercles tout au long de sa silencieuse et rapide glissade dans les airs jusqu’à ce qu’il se pose avec légèreté sur le sol de la forêt. Voilà le genre de figure qui amusait particulièrement le dragon. Dès que ce dernier eut posé patte à terre, Jakob se redressa sur la selle de cuir. Tout était au beau fixe. Fausse alarme.
Luzo fit quelques pas vers Alandy, Even et les deux dragons et s’arrêta sous les ordres de son cavalier. Passant sa jambe droite au-dessus du dos de son dragon, Jakob se laissa tomber parterre, atterrissant d’un bruit sourd sur ses deux pieds.

L’endroit était silencieux, mais encore une fois, cette impression d’être observé flottait dans l’air comme un brouillard translucide. Les minces et longs troncs des arbres étaient comme des soldats immobiles, armés de créatures de toutes sortes, ils ne tarderaient certainement pas à passer à l’attaque… L’armée du dieu de la forêt attendait les ordres de leur général.
Jakob tenait sa main gauche près du pommeau de son sabre. Ses doigts s’y enroulèrent et sa poigne se resserra dessus, prêt à tirer l’arme hors de son fourreau, mais pas de suite. Il s’approcha d’Even et Alandy, Luzo tout près derrière.

Nouveau Dragonnier Nombre de messages : 3 Date d'inscription : 10/10/2007

Antu-Di ne savait pas encore qu’il y avait des intrus sur son territoire, mais si ceux-ci ne se montraient pas plus discrets, cela ne saurait tarder. De toute façon, la forêt n’avait pas besoin de lui pour être dangereuse…

Il était presque midi dans la forêt. Dans un petit vallon sur un terrain découvert, un couple de panthères noires paressait au soleil, repu. Il avait tué un singe le matin même, et sa compagne et lui s’étaient régalés de sa chair. Loin d’être plus faible que lui, elle avait tenu en respect les autres animaux pendant qu’ils mangeaient. Cette parcelle de terrain était la leur, hors de question de laisser d’autres qu’eux d’y poser la patte, sauf si il s’agissait de gibier potentiel…

La patte ou le pied. Leur instinct les réveilla en sursaut et mis tous leurs sens en alerte. Là haut, des grands lézards tournoyaient. Ils allaient se poser ici, les félins le savaient. Aussitôt, il se levèrent et se tapirent sous les fougères humides, aussi silencieux que des spectres. Les humains, c’était tellement bon…

Lorsque le grand vert sombre se posa à quelques mètres d’eux, aucune des deux panthère ne bougea la moindre moustache. Ca allait être très facile. L’humaine n’attendit pas ses semblable et descendit de son dragon. Parfait…

Il avait contourné l’intruse sans se faire voir, tandis qu’elle s’était rapprochée au maximum. L’humaine avança vers elle sans la voir, elle ne bougea toujours pas et banda tous ses muscles, prête à bondir…

Il se passa quelque chose. L’humaine fit demi-tour. Elle ne bougea toujours pas, déçue. De là où elle se cachait, elle pouvait voir les yeux brillants de son compagnon, qui fixait avec intensité la même chose qu’elle l’instant d’avant. Un autre se posa non loin, puis encore un autre. Il fallait faire vite, avant que le dernier ne s’ajoute à ceux là. Leur cible était la fille, elle semblait plus vulnérable que les autres…

Les dragons représentaient, eux, un danger important. Ils allaient devoir jouer serré pour emporter leur proie dans les fourrés avant que les autres ne réagissent…

D’un commun accord silencieux, ils bondirent...

Davis fut le dernier a descendre, ce qui ne fut pas plus mal pour lui, étant donné qu’il n’avait pas vraiment entendu l’ordre donné par la commandante. Inattentif ? Non, TROP attentif même, mais vers les alentours et non vers le reste des membres de ce raid. Enfin bon, l’une était commandant, les deux autres dragonniers depuis un petit bout de temps, ils pouvaient bien atterrir seuls… Non ? Mais, qu’est-ce que c’est que cette façon indigne de penser, Davis ! En attendant de pouvoir suivre, Hithlum réalisa de larges cercles, se maintenant à une hauteur constante. Pas vraiment pressée d’atterrir, non, mais pas vraiment joyeuse d’être à cette altitude alors que les autres descendait. Il attendit de voir que Luzo avait posé patte au sol avant d’intimer à Hithlum de descendre à son tour. Impatiente de pouvoir enfin se poser, la dragonne eut un sursaut, vira brutalement de bord, avant de commencer à planer en direction de la clairière.

Davis n’aimait pas spécialement les raids, et encore moins la jungle d’Antu-di. Bien trop dangereuse, bien trop imprévisible. Lorsqu’on croyait enfin la connaître, elle nous attaquait par derrière grâce à une nouvelle ruse de sa part. Quel dragonnier pouvait se vanter de ne s’être jamais fait attaquer à l’intérieur de ses bois sombres ? Même le soleil n’osait s’aventurer à travers les feuillages, par peur d’éclairer quelque chose qu’il n’aurait pas du… ou pour ne pas avoir à dévoiler quelques macabres découvertes peu appétissantes. Qui sait combien de carcasse cet endroit regorgeait, combien de morts, de prédateurs… combien d’œufs ! Car oui, c’était bien les œufs qu’ils cherchaient tous. Ces précieux objets nécessaires à la cité pour se maintenir en l’air. Précieux pour la protection des survivants de la catastrophe. Précieux pour tout ce qu’ils représentaient. Et c’était la mission des dragonniers que d’en ramener, sains et saufs eux comme ces œufs, afin que la ville continue son déroulement normal. Combien de raids partaient chaque jours ? Combien de dragonniers en vol actuellement ? Combien coincé on ne savait où ? Combien qui ne reviendront jamais ? Allez savoir. Le fait de ne pouvoir répondre à cette dernière question avait depuis quelque temps, ralentit les ardeurs et la motivation de Davis.

On faisait quelque chose pour les autres. On volait une espèce pour la survie d’une autre. Les trois autres dragons… Ils seraient probablement dans la catégorie ennemis si aucun dragonnier n’avait ramassé leur œuf pour en faire une énergie et un allié. Ils seraient peut-être même en train de les observer, se délectant d’avance de la suite des évènements qui risquaient de tourner à leur avantage. Fallait pas se leurrer : discrets comme ils étaient, principalement à l’atterrissage, nul doute qu’un bon nombre de prédateurs les observaient déjà pour savoir de quelle manière il pourrait attraper ses corps de chair humaine pour s’offrir un bon festin. Non pas que la nourriture fut rare, mais un peu de changement ne faisait de mal à personne ! La seule protection vraiment valable pour les dragonniers… c’était bien leur monture. Monstres de muscle et de puissance, la plupart des prédateurs y réfléchissaient quand même a deux fois avant d’oser s’attaquer aussi près d’eux. Il fallait avoir une sacré dose de motivation pour le faire quand même…

Davis, occupé a regarder autour de lui au cas où un danger de dernière minute n’arrive à l’improviste pour les attaquer par derrière, ne faisait nullement attention à ce qu’il se déroulait en dessous. Avait-il seulement entendu Even crier ? Allez savoir… Hithlum, elle, commença doucement à déployer ses larges ailes dans l’intention de se poser, légèrement à l’écart des trois mâles. Sa tête se balançait doucement, signe qu’elle ne laissait rien au hasard. Dire qu’un dragon ne flairait pas le danger était foutaise : nul autre qu’eux ne savaient mieux le pressentir. Néanmoins, dans un endroit comme celui-ci où le danger était partout, leurs talents étaient mis à rude épreuve pour protéger leur dragonnier, voir eux-même. On avait déjà vu des dragons se laisser mourir après la disparition de leur humain, ou vice-versa. Trop s’était trop…

Heureusement que les yeux du dragons sont beaucoup plus rapides que ceux des hommes…
Heureusement que les réflexes de la bête surpassent ceux du maître…
C’est, malheureusement, souvent fort utile…

Un claquement de mâchoires. Une envergure qui se déploie brutalement, freinant avec force a bien cinq mètres du sol, déstabilisant presque son cavalier. Un grognement plutôt crissant qui se fait entendre, en réponse à deux autres plus félins et bien plus bas. Des bruits de galopade lourdes. Puis, un nouveau cri brisé, tandis qu’une onde de froid s’abat littéralement proche des trois dragonniers au sol. Continuant son vol à l’horizontale, la dragonne à brutalement stoppé en pleine course quelque chose de longs et noirs. Davis n’a pas le temps de vraiment comprendre quoi que ce soit, alors que sa dragonne continue sa course sans pouvoir se stopper au-dessus des arbres. Elle a un sursaut. Il est déstabilisé. Quelle horrible impression que de se sentir glisser sans pouvoir se rattraper. Quelle frisson d’horreur de voir les choses au ralentit… Dans un bruit mat, le dos du jeune homme cogne brutalement le sol herbeux de l’endroit, avant de rouler une ou deux fois sur le côté, puis finir par s’arrêter.

Sa bête parvient à se freiner, mais un peu tard, avant de tenter revenir rapidement près des autres. Sonné, le jeune homme se redresse néanmoins, comme s’il n’avait rien. La moindre erreur est fatale dans la jungle, ne pas rester allonger trop longtemps… Surtout si proche du bord de la clairière. Son regard se porte sur la longue traînée de glace qui barre désormais la clairière. De la vapeur s’en échappe doucement. Tout proche des autres, on peut distinguer une masse sombre prise dans la glace, figée dans un mouvement de saut, toutes griffes et dents dehors. La panthère, gelée sur place, est probablement morte sur le coup à cause de la température… Pas le temps de la voir d’avantage, car Hithlum atterrit les pattes en avant, ignorant royalement le comportement des autres dragons, et détruit littéralement la statue qu’est- devenue la panthère, terminant le travail de son souffle. Un prédateur de moins… Mais combien d’autres alertés par le vacarme ?! Les yeux en alerte, la dragonne cherche son maître des yeux, tournant sur elle même, avant de finir par le distinguer un peu plus loin.

Etouffant un juron, Davis tente alors de se redresser aussi vite qu’il le peut. Ca lui apprendra à descendre en dernier dans un raid… Putain, mais ça fait mal n’empêche ! Il se promit entre ses dents de faire plus attention la prochaine fois. Voilà où ça mène, une erreur d’inattention !

Il ne se doute pas que la seconde panthère à put éviter a temps le souffle mortelle, s’enfuyant juste à l’orée du bois. Mais, est-ce que quelqu’un a VU un deuxième félin noir ? Sûrement… Mais pas Davis, en tout cas ! lol. Haletante, celle-ci fixe l’endroit où son mâle vient littéralement de voler en éclat. Tapis dans l’ombre, folle d’une rage soudaine, elle cherche rapidement la cible la plus proche. Elle doit se venger de la mort atroce que ces bêtes ont réservées à son compagnon ! La bave coule de ses babines retroussées sur ses dents coupantes comme des rasoirs. La cible… Une cible… La fille ? L’autre chose près du sol ? Non, la fille plutôt ? Si ? Non ? Elle se décide enfin et se prépare à une nouvelle attaque…

Nouveau Dragonnier Nombre de messages : 3 Date d'inscription : 10/10/2007

Alors que la féline s'apprêtait à venger son compagnon, un barrissement puissant retentit. La belle et sombre veuve se tapit plus avant dans les broussailles, sachant parfaitement ce qui approchait à pas lourd.
Nul autre qu'un Calmar des Forêts, créatures plus grande et plus puissante encore qu'un dragon, maître de la jungle après le Dieu de la nature.

La terre commença à fortement trembler sous les 20 tonnes de muscles qui approchaient les aventuriers, réjouissant la panthère, qui voyait déjà la mort de son mâle punie par le mollusque.

Tout s’était passé si vite qu’Even n’avait pas vraiment eu le temps de tout suivre. Il y avait eu ce rugissement terrifiant, juste derrière elle, puis une onde de froid intense qui l’avait glacé jusqu’au plus profond des os… Que s’était-il donc passé ? Nox poussa un profond rugissement et fit volte face, se mettant aussitôt entre sa dragonnière et le danger. Des petits éclairs d’énergie filtraient de sa bouche entrouverte… Celui qui voulait faire du mal à Even devrait d’abord lui passer sur le corps ! Encore sous le choc la surprise, la jeune femme resta quelques instant immobile avant de se faufiler sous le long cou de son dragon pour comprendre ce qui s’était passé.

Devant ses yeux, une longue traînée de glace décorait joliment le paysage. Plus surprenant encore, quelque chose semblait s’être pris à l’intérieur… En plissant les yeux, Even reconnu une panthère noire, et de belle taille. Cependant avant qu’elle n’ai pu la regarder d’avantage, Hithlum détruisit le bloc de glace et le corps du félin voltigea un peu plus loin, vaincu. Ces événements s’enchaînaient à une vitesse ahurissante… Personne n’avait vraiment le temps de réagir. Davis ? Où était Davis ? Sa dragonne était seule ! Even se retourna brusquement mais ne le vit nulle par, seulement ses deux autres compagnons qui semblaient tout autant surpris qu’elle-même.

Avant qu’elle n’ai pu dire le moindre mot, un barrissement terrifiant emplit l’espace autour d’eux et bourdonna désagréable à leurs oreilles. Une long frisson glacé parcouru l’échine de la dragonnière et Nox tourna ses yeux perçants vers la jungle en claquant des dents. Un calmar ! Cette fois Even ne perdit pas de temps et réagit au quart de tour. Son dragon avait déjà comprit ce qu’il fallait faire, et déployait ses longues ailes de chaque coté de son corps.

-C’est un calmar des forêt ! Dépêchez vous de récupérer vos affaires et de faire décoller vos dragons, vite ! Il faut tout de suite se cacher là-dessous, il ne nous verra pas si on ne fait pas de bruit, ce qui l’intéresse, ce sont les dragons.

Déjà, elle s’était précipitée à coté de Nox et détachait le plus vite possible quelques sacs qui contenaient des choses indispensables. Le reste resterait sur le dos du dragon jusqu’à ce qu’il puisse la retrouver, mais pour le moment il fallait faire vite. Enroulant les lanières de cuir et de tissus autour de sa poitrine, elle donna une claque sur l’épaule de Nox, qui décolla aussitôt, entraînant les autres dragons à sa suite. Davis les avait rejoints quelques instants auparavant, il avait dû tomber quand sa dragonne avait sauvé Even des griffes de la panthère… Les autres avaient fait la même chose que la jeune femme, tous aussi fébriles qu’elle. Les calmars étaient des monstres de grande renommée qui faisaient trembler les plus endurcis lorsque retentissait son cri lugubre.

-Par ici !

Even avait repéré du coin de l’œil un minuscule petit vallon, creux surmonté de fougères et d’herbes hautes dans lequel ils auraient la place de se terrer en attendant que le mollusque géant passe son chemin. Y envoyant ses sacs pêle-mêle, elle attendit juste en haut que ses compagnon la rejoignent, et fut la dernière à s’enfoncer dans la cachette de fortune. Un dernier coup d’œil sur le ciel lui apprit que les dragons avaient pris de la hauteur et s’éloignaient le plus possible pour être hors de vue, guidés par Nox.

Puis ce fut l’attente dans le silence et l’immobilité complète. A travers les plantes qui les cachaient plus ou moins, ils pouvaient apercevoir une immense silhouette claire qui se tenait à l’endroit même où ils avaient atterri quelques minutes plus tôt. Tremblante, Even passa sa langue sur sa lèvre supérieure, où perlaient déjà des gouttes de sueur. Les calmars ne se repéraient qu’au bruit, à l’odeur et au mouvement… Voilà pourquoi il avait fallu faire partir les dragons : leur odeur, tellement forte, aurait tout de suite attiré le monstre. Lorsque celui-ci déploya ses tentacules tout autour de lui, et la dragonnière sentit son pouls s’accélérer brusquement. Si l’une d’elle venait fouiner par ici…

[Je dois partir, désolé, pas le temps de faire plus long ni de me relire. Je revient le 11. D'ici là, je compte sur vous pour faire avancer l'action ^^ Ne faites pas trop attention au tour de parole. Vous pouvez jouer un minimum les actions des autres, comme je viens de le faire, histoire d'avancer plus vite. J'avais prévu que le groupe établisse un campement à l'orée de la jungle, mais vous n'êtes pas obligé de faire exactement ça. Bon jeu, à bientot ^^]

Tout s’était effectivement passé très vite, trop vite. Jakob et Luzo avaient posé pieds et pattes à terre, allaient vers les autres dragonniers et Davis et Hithlum descendaient pour les rejoindre. Tout allait comme prévu, aucun danger à l’horizon, mais l’horizon, en forêt, à tendance à changer de manière brutale et inattendue. Justement, changement en vue. Deux paires de yeux bien camouflés dans les branchages les guettaient et, sans que Jakob ne s’y attendent le moindrement, s’apprêtaient à bondir. Luzo cependant, quelques secondes avant que l’attaque ne survienne, s’était arrêté derrière le jeune homme, incitant par la même l’autre à en faire de même, curieux. Les sourcils froncés, Jakob avait tenté de voir ce que Luzo avait l’air d’avoir vu, mais qu’il semblait toujours chercher. Les panthères les devancèrent et choisir précisément ce moment pour attaquer, direction Even.
Jakob eut tout juste le temps de tirer son sabre briquet hors de son étui de cuir et de faire deux pas vers Alandy et Even que la dragonne Hithlum engageait une poursuite, congelant en un souffle l’une des panthères sous leurs yeux. Jakob se stoppa net dans sa course, soudainement traversé d’un vent hivernal, restes du geyser de glace qui avait émergé de la gueule du dragon de Davis. Où était-il, d’ailleurs? Jakob le vit alors se redresser.

Pendant ce temps, Luzo ne s’était pas tenu bien loin, la fumée commençant à lui sortir des naseaux, se montrant prêt à réagir si la bête noire tentait quoi que ce soit. Il n’eut pas à passer à l’action, mais faillit en voyant Jakob se rapprocher dangereusement du jet de glace. L’attention du duo fut ensuite dirigée vers Even qui, comme eux tous, avait reconnu le barrissement du calmar géant. L’horizon s’avérait de plus en plus menaçant, mais les dragonniers ne se firent point tarder pour réagir.
Les dragons et leurs cavaliers se séparèrent, sans hésiter Luzo fit comme il lui était indiqué et reprit le vol, suivant de près le chef de bande, Nox. De son côté Jakob en fit de même, suivant cependant la commandante de l’expédition, le torse couvert de lanières de cuir qui retenaient de nombreux sacs qu’il avait prit sur la selle de son dragon.

Désormais, c’est dans un ravin, étroit, que les dragonniers étaient coincés, se cachant du mollusque géant à leur trousse. L’odeur des dragons qui s’éloignait avait dévié son attention, mais cela ne durerait qu’un temps. Petit moment de répit pour les dragonniers, mais également intense moment d’attente. Jakob pouvait entendre le souffle de ses voisins dans ses oreilles, c’est à peine s’il sentait leur angoisse. La sienne du moins, il la percevait bel et bien, étouffante. Il avala difficilement et baissa les yeux vers sa main, toujours enserrée autour du pommeau de son sabre. En fait, depuis l’exhalaison glacée d’Hithlum dans laquelle il avait faillit se perdre, il n’arrivait plus à décoller ses doigts givrés du solide matériau. Il tenta de bouger les doigts, mais n’arriva à rien, il faudrait y voir plus tard. Jakob redressa donc sa tête et c’est alors qu’il la vit, cette gluante chose rampante, s’infiltrant au travers les fougères et les herbes hautes qui masquaient le ravin. Lentement le calmar avait entamé une descente vers les dragonniers, explorant prudemment les lieux, espérant sans doute prendre quelques prises par surprise. Bien vite, un autre, puis un autre tentacule se mit à glisser tout en douceur sur la pente abrupte.

Attaquer maintenant aurait été stupide. Ces trois, non quatre, cinq, tentacules en reconnaissance des lieux ne représentaient qu’une fraction de l’ensemble de la bête et, l’agitée maintenant, alors qu’ils étaient pris dans ce ravin, causerait sans doute leur perte. Il deviendrait aisé pour la bête de les coincés, eux qui seraient ralentis dans leur fuite par les buttes qui les tenaient terrés dans ce tunnel ouvert. Puis, une idée, classique mais, toujours efficace quand il s’agit de dévier l’attention. Ne pouvant se risquer de parler maintenant ni de trop s’agiter, Jakob coinça la lame de son sabre sous lui et, d’un coup vif et sec, tira sur la main. Si ce n’est d’un à peine perceptible bruit de déchirement, l’opération fut très discrète, mais pas sans conséquence. L’intérieur de la main de Jakob avait été séparée d’une épaisse couche de peau, dévoilant du coup une chaire écarlate et saignante. L’odeur. Il fallait faire vite. Les tentacules descendaient encore et encore, frôlaient leurs pieds… Précipitamment, sans se soucier des traces qu’il laissait un peu partout sur ses sacs et vêtements, Jakob sortit de l’une des poches de cuir un petit arc et une flèche. Il banda son arc, visa vers la gauche, vers la cime des arbres, et tira. La flèche passa à quelques mètres du calmar, qui donc ne la perçue point, mais le bruit qu’elle fit en entrant dans les branchages, cependant, ça il l’entendit et l’effet désiré fut immédiat. Les tentacules se rétractèrent et la bête porta son attention vers le bruit qui était venu derrière.

Il fallait fuir, maintenant. Rangeant son arc promptement, Jakob reprit son épée de sa main en état et la rangea dans son fourreau. Ses sacs remis sur ses épaules, il se releva, prêt à déguerpir. L’orée de la forêt n’était pas trop loin, quelques minutes de courses et ils y seraient si d’autres embûches ne se dressaient pas sur leur chemin et, ils avaient une longueur d'avance sur le calmar.

Fuir, et vite… Voilà tout ce qui pouvait bien occuper les pensées du dragonnier : se tirer d’ici, rejoindre les autres et leur dragon. C’était pourtant une règle de base : ne jamais, ô grand jamais, rester seul. En particulier sur le continent, et sans dragon ! Qu’à cela ne tienne… Davis s’était relevé rapidement mais douloureusement, ayant sursauté en entendant le bruit de présence de ce calmar, et s’était d’autant plus dépêcher de rejoindre l’équipe dont il faisait partit. Qu’est-ce qu’on faisait dans ces cas-là ? Ah oui… Il ne sut pas si c’était les paroles d’Even ou de sa conscience, voir les deux en même temps, qui lui dictèrent ce qu’il fallait faire, mais il s’exécuta sans rien dire. C’était pas le moment de se plaindre.

Hithlum, fort soulagée de voir que son dragonnier était capable de tenir sur ses jambes, s’était avancée vers lui. Tant mieux, il aurait moins de route à faire. Attrapant sur elle quelque sac et son fourreau, il eut juste le temps de les passer autour de lui avant qu’une claque retentissante se fasse entendre, indiquant le signal du départ par l’envol du dragon de tête. Hithlum claqua des mâchoires, mécontentes de devoir s’en aller, mais consciente du danger qu’ils faisaient encourir en plus aux humains. Davis lui adressa un dernier regard avant qu’elle ne déploie ses ailes à toutes vitesse et ne décolle à la suite de Luzo et de Nox. Le jeune homme l’observa un bref instant s’éloigner, avant d’obéir au nouvel ordre d’Even sur la direction à prendre. Ses gestes avaient quelque chose de mécanique, comme une sage obéissance, mais non volontaire. Allez savoir pourquoi, peut-être dut au choc qu’il avait eut. Ow… Ce n’était pas la première fois qu’il tombait d’Hithlum, et ce ne serait sûrement pas la dernière, même si ces chutes étaient rares et malheureusement fort douloureuses… *Ca t’apprendras* Lui répétait son esprit, borné à lui faire savoir à quel point son attitude était des plus décevante. Ca va hein, il n’était pas encore mort ! Et il le serait pas de sitôt, alors si c’était pour faire ce genre de réflexion pessimistes, il avait qu’à se rendormir l’esprit. Paraît qu’il devenait plus docile comme ça… Enfin bon.

Alors qu’il rejoignait les trois autres, la commandant d’expédition leur fit signe de la suivre et ils s’exécutèrent. Pas le temps de penser ou de réfléchir à autre chose. Il fallait s’en aller. Les trois hommes et la jeune femme trouvèrent refuge dans une sorte de ravin qui aurait put leur servir de cachette idéale si le monstre qui leur faisait, entre guillemets, face n’était pas un calmar pourvu de tentacules suffisamment longues pour venir les repérer jusqu’ici. S’allongeant dans les hautes herbes, il put enfin pousser un soupir tendis que certains muscles de son corps se détendaient. Le haut de son dos et de ses épaules lui faisaient un peu mal, mais ce n’était pas encore le moment d’en tenir compte : l’ennemi était toujours là. D’ailleurs, aucun des quatre n’avaient put ignorer les quelques tentacules mortelles qui s’avançaient vers eux avec une lenteur terrifiante. Davis déglutit, le souffle douloureux. Il n’avait pas envie de réfléchir au moyen de se sortir d’ici… S’il s’était écouté, il se serait forcé à rester ici sans réagir, quitte à se faire attraper par l’une des tentacules. Il ne savait pas pourquoi il montrait aussi peu d’ambition à s’en sortir, d’un coup. Pourquoi fuir ? Cela lui apparaissait comme une condition fort inutile et futile. Son souffle se ralentit, tentant de se faire silencieux, car son corps avait, lui, l’air de vouloir encore servir pour quelques années futures. Ne pas faire trop de bruits.

De ses yeux ambrés, il vit Alandy tenter de mettre la main sur le pommeau de son épée. Cela lui fit penser que… il n’avait pas la sienne ! Erf, s’étant dépêché lorsqu’il avait prit les sac sur Hithlum, il n’avait eut le temps de penser qu’à son arc, mais pas à son autre arme. Tant pis. D’ailleurs, ~~Pika-Jak~~ Jakob fut plus rapide qu’Alandy avec ce moyen. Se redressant, il tira une flèche dans la direction opposée à la leur, détournant habilement l’attention du monstre. Les lignes visqueuses du mollusques se rétractèrent alors aussitôt et partir dans une autre direction qu’il jugeait plus intéressante. C’était le signal de départ : si les quatre humains désiraient partir, s’était le moment ou jamais. Se redressant à son tour, Davis attendit que les deux derniers aient récupérés leurs sacs avant de se lancer vers la gauche, en direction de l’orée de la forêt. S’ils voulaient s’établir à un endroit pendant la nuit, ce serait sûrement le meilleur. De plus, les dragons pourraient atterrir et décoller plus aisément qu’en plein bois et cela leur éviterait les contraintes de devoir dormir entre les arbres gorgés de prédateurs. Les panthères n’étaient qu’un faible aperçu de ce qui pourrait leur arriver dans la Jungle…

Sans vraiment vérifier qu’on le suivait bien, Davis descendit un peu plus bas dans les herbes, pour ensuite remonter sur la bute en face d’eux par un endroit qui avait l’air plus facile d’accès. Les herbes étaient glissantes et ils risquaient à tout moment de tomber sur on ne savait quel serpent ou autre animal dissimulé. S’aidant des divers cailloux qui recouvraient le sol, évitant de poser le pied sur un quelconque nid ou autre trou qui leur aurait apporté des ennuis, il parvînt jusqu’en haut de la butte et put regarder un peu mieux s’il existait un chemin jusqu’à l’orée de la fenêtre. Mais cet endroit permettait aussi de voir un peu mieux leur ennemi, qui s’enfonçait légèrement dans les branchages, se délectant probablement de quelques animaux égarés ou trop ambitieux. Une tape sur l’épaule le ramena sur Terre, ou plutôt, sur Selenielle, et il suivit les autres sur le sol légèrement boueux. Tant qu’il n’y avait plus de hautes herbes, ça allait, même si le danger était encore partout présent.

Ce n’est qu’aux bouts de longues minutes fatigantes, à traverser des fougères, des sortes de flaques boueuses, éviter des branches un peu trop basses ou des racines qui sortaient un peu trop à l’air libre que le groupe finit par arriver vers l’orée de la forêt, ou ce qu’on pouvait appeler comme ça. Ca y ressemblait plus ou moins… Par chance, ils n’avaient pas croisés de nouveaux prédateurs, sans doute tapis dans un coin dans l’attente que le calmar géant passe son chemin pour aller dîner ailleurs. Alors que les autres s’arrêtaient, Davis s’appuya sur ses genoux un instant, reprenant son souffle. Les sacs répartis inégalement sur son corps lui faisaient un mal de chien sur l’épaule droite, et il ne fut pas mécontent de pouvoir en poser un ou deux à terre, en compagnie du fourreau de son arc. Arme bien pratique à dos de dragon mais aussi, comme leur avait montré Jakob aujourd’hui, face à des créatures de la jungle d’Antu-Di. Il promit de s’en souvenir.

Son regard clair monta vers le ciel libre. A la recherche de quoi ? Peut-être un quelconque signe de vie de la part de leurs dragons ! Ils allaient sans doute bien, guidés par Nox, mais les revoir ne leur ferait sans doute point de mal. Enfin, ce n’était pas à lui d’en juger, mais à la commandante. C’était aussi à elle de décider ce qu’ils allaient faire maintenant, monter le camp ici ou ailleurs, et où ils allaient devoir chercher pour trouver des œufs. Ce n’était pas un jeu, ou alors, un jeu dangereux. Et s’ils s’aventuraient dans des endroits non définis à l’avance, on risquait de ne jamais les retrouver s’il s’avérait qu’il y ait un problème. Ba oui, vous croyez qu’un raid se monte en deux temps trois mouvements ? Non, pas vraiment. Les dragonniers et supérieurs restés en ville savaient parfaitement où se situaient les raid en cours : un espace leur était attribué à l’avance avec l’obligation de le respecter. Cela permettait de toujours tenter de retrouver une équipe si celle-ci ne se manifestait pas au bout d’un laps de temps déterminé… même si on n’en retrouvait généralement pas grand chose. C’était prendre un risque en moins.

Tournant son visage vers Even, il attendit une quelconque parole de sa part, ou de celle des autres. Qu’est-ce qu’il lui avait prit d’accepter de revenir ici… Jamais il n’aurait du dire oui, cet endroit lui rappelait trop de mauvais souvenirs à chaque fois qu’il y mettait les pieds. Quelqu’un semblait faire attention pour qu’il ne soit jamais placé dans un raid qui retournerais dans l’Endroit qu’il détestait le plus dans cette jungle, mais on l’y envoyait quand même. Non, il n’aurait jamais dut accepter. Et Davis se rendit compte avec une légère horreur que cela ne l’aurait pas gêné du tout que le Calmar les trouve, précédemment. Non, il avait trouvé cela inutile de se cacher, comme s’il en avait eut assez de devoir toujours fuir. Comme s’il en avait eut assez de ce raid. Ses geste allaient décidément contre lui, car il avait obéit aux ordres pour se mettre en sécurité. Mais la volonté n’y était pas. C’est comme lors de son atterrissage, si on pouvait appeler ça comme ça : si Hithlum n’avait pas eut le réflexe de voir les deux panthères, on compterait un membre en moins dans le groupe, et sans doute le membre le plus important. Oui vraiment, de un il ne faisait pas bien attention, et de deux… il était lassé. Une partie de lui n’avait jamais eut envie de revenir ici, et il aurait mieux fait de l’écouter !

Mais qui l’aurait deviné, en voyant son visage calme, quoique légèrement égratigné à cause de sa chute et de leur partie de cache-cache dans les hautes herbes ? Pas grand monde. Non, réflexion faite, personne.

-Bien joué, Jakob.

Even avait murmuré ces mots à la fois terrifiée et excitée par le danger si proche d’eux. Pas maintenant, non, ce n’était pas le moment de prendre des risques. Plus tard, peut être… Mais là, il fallait fuir. Ce n’était pas une petite flèche lancée dans des buissons qui maintiendrai l’attention du monstrosaure très longtemps, et leur cachette était pour le moins dérisoire. Extirpant le plus silencieusement possible ses trois sacs de la masse, la jeune femme se chargea à nouveau et fit signe à ses dragonniers de la suivre à travers les broussailles, en direction de la jungle sombre. Ils y seraient en quelques minutes, si ils se montraient prudents. Jamais, si ils ne l’étaient pas assez… Cette fois ci, les dragons ne seraient plus là pour leur sauver la mise, ils étaient seuls.

Pliée en deux pour ne pas que sa tête dépasse des fougères humides du terrain, Even évita une petite butte pour s’éloigner le plus possible du calmar des forêts. Il fouillait maintenant les broussailles, avide de découvrir ce qui avait attiré son attention. L’instant était délicat… Dès qu’il cesserait de s’y intéresser, ses longs tentacules recommenceraient leur manège précédent, et cette fois il y avait bien plus de chance que les jeunes gens se fassent prendre puisqu’ils étaient à découvert. Avec une grimace, la dragonnière guida son équipe entre deux troncs abattus par un orage et couverts de mousse. Il ne restait plus que quelques mètres… Un grognement, juste à sa droite. Le temps s’arrêta brusquement pour Even, qui avait aperçu du coin de l’œil une autre panthère, tapie dans la végétation. Combien y en avait-il d’autres de ce genre dans les environs ? Décidemment, ce lieu n’avait pas été un choix très judicieux, la jeune femme s’en rendait compte maintenant. Il fallait éliminer la menace, le plus vite possible, et sans le moindre bruit. Chose pour le moins ardue, surtout quand la bestioles en question avait déjà bondit sur vous et brandissait devant elle deux jolies rangées de griffes acérées… La réaction d’Even fut fulgurante : d’un même geste, elle dégaina la dague qu’elle portait sur le dos et la plongea dans la poitrine de la bête tout en se jetant en avant pour esquiver l’attaque. Le tout avait été extrêmement rapide… mais pas silencieux. En effet, la dragonnière n’avait put s’empêcher de crier de surprise et de douleur lorsque les griffes de la panthère avaient au passage labouré profondément son épaule gauche.

Sans prendre le temps de rassurer ses compagnons, mais un peu sonnée, Even reprit ses sacs en vitesse et détala vers la forêt, exhortant les autres à faire de même. Il fallait oublier toute notion de prudence, maintenant, parce que le tapage de la courte lutte avait aussitôt attiré l’attention du calmar. Déjà, ses longues tentacules filaient vers le groupe en fuite, avides de chair… Mais ils étaient trop près du salut maintenant. Avant que leurs reptiliens poursuivants de les aient rattrapés, ils étaient sous le couverts des arbres. De salut ? Mais qui a donc parlé de salut ? Cela ne les sauverait sûrement pas ! Les tentacules pouvaient aller partout…

Ouch ! Sans comprendre de quelle façon elle était arrivée là, Even se releva péniblement sans utiliser son bras gauche et tenta d’habituer ses yeux à l’obscurité. Une grotte ? Du raffut, là haut… Par réflexe, elle fit un pas latéral pour éviter que les hommes de son équipe de lui tombent dessus. Son regard avisa soudain une sorte de grand bouclier fait de branches et de fougères, posé contre l’une des parois rocheuses.

-Là ! Aidez moi à boucher l’ouverture avec ça !

De sa main valide, Even tira le grand disque végétal vers l’entrée de la grotte, bientôt aidée par ses compagnons. Ensembles, ils grimpèrent un peu pour atteindre l’ouverture et bloquèrent assez rapidement le « cache », haletants.

-Plus un mot, maintenant.

Le murmure d’Even n’était pas vraiment nécessaire… Tous savaient que le calmar fouillait les bois juste au dessus d’eux. Ils pouvaient entendre les bruissements des tentacules qui retournaient lianes et buissons pour les retrouver. Grâce à ce refuge providentiel, cependant, ils étaient à l’abris.

Sous le choc de tout ce qui venait de se passer, Even se laissa tomber au sol et appuya son dos contre la fraîche paroi rocheuse. A travers quelques ouvertures, ici et là, les rayons de soleil parvenaient à leur envoyer un peu de lumière… Les bruits, là haut, s’éteinrent progressivement, sous les soupirs de soulagement des dragonniers, qui s’autorisèrent alors à inspecter les lieux. La grotte était peu spacieuse, mais suffisamment pour qu’une demi-douzaine d’adultes s’y tiennent debout. Juste sous une ouverture plus large que les autres dans la roche se trouvaient les restes d’un feu, quelques cendres entourées de pierres. Even se souvenait de quelque chose dans ce genre…

-C’est l’endroit où nous avions établit notre campement, il y a quelques mois. J’étais avec Nood, Amber et Jarine. Les deux œufs que nous avons ramené, on les avait trouvé… Quelque part au sud, à quelques heures de marche. Près d’une cascade, il y avait un nid.

Malgré le calme qui régnait, Even avait du mal à reprendre son souffle. Maintenant que le danger s’était éloigné, sa blessure à l’épaule commençait à la faire souffrir sérieusement. Nerveuse, elle se pencha, attrapa l’un de ses sacs du bout des doigts, et en sortit le nécessaire de secours, c'est-à-dire quelques bandages et des onguents divers, ainsi que quelques antidotes. Le strict minimum, et même moins… Il y avait cependant là dedans de quoi apaiser momentanément sa douleur, et c’était évidemment bienvenu. En se battant quelques instant avec le couvercle de l’un des pots, elle parvint à l’ouvrir suffisamment pour y plonger deux doigts et les ressortir, enduits d’une pâte graisseuse qui lui fit un bien fou lorsqu’elle l’appliqua sur les profondes entailles. Elle avait laissé glissé sa chemise sur son épaule, mais ne parviendrait pas seule à se mettre un bandage dessus de façon convenable. Son regard chercha de l’aide, et il tomba – par un hasard des plus innocent, si si – sur Jakob.

Ce ne fut ni la silhouette séduisante du jeune homme, ni son visage angélique – quel visage angélique ? – qui attirèrent l’attention d’Even, mais sa main ensanglantée. Il y avait des traces de sang sur sa tunique beige, ainsi que sur ses sacs de toile, et la jeune femme ne s’en rendait compte que maintenant.

-Jakob, qu’est-ce que tu as fait à ta main ? Viens voir, j’ai peut être quelque chose pour te soulager…

Alors qu’il justifiait cette absence de peau, Even prit délicatement sa main entre les siennes et replongea deux doigts dans le pot qu’elle avait ouvert avant d’étaler la pâte avec le plus de douceur possible sur la plaie. Ca devait être pire que tout, ça… Bien plus grave en tout cas que sa propre blessure, qui n’handicapait pas sa main. Une fois qu’elle en eut finit avec l’onguent odorant, elle s’empara d’une bande de tissu léger et lui banda la main en faisant attention à ne pas trop serrer. Une véritable petite infirmière cette Even… Bah, c’était la seule femme de l’expédition, et les hommes se montraient parfois trop fiers pour s'occuper correctement de leur santé.

-J’allais te demander de m’aider pour mon épaule, mais je constate que tu ne pourras pas grand-chose pour moi. Davis, tu veux bien me filer un coup de main s’il te plait ? Elle se tourna vers les autres et afficha une mine fatiguée bien malgré elle.On va passer la nuit ici, c’est plus prudent. Demain, je propose qu’on parte à la chasse aux œufs, sans les dragons. Nox a l’habitude, il mènera les autres vers les Grandes Montagnes, au nord, celles qui séparent le désert de la jungle, pour dormir cette nuit. Il n’y a aucun prédateurs pour eux là bas, et les dragons sauvages n’y vont jamais. Je ne sais pas quand ils reviendront, mais sûrement au bon moment, comme à chaque fois…

Ces derniers mots étaient plus pour elle-même, et elle les murmura presque. Son inquiétude n’étaient pas dirigée vers les dragons mais plutôt vers eux, petit groupe d’humains presque sans défense. Heureusement qu’il étaient « tombés par hasard » sur ce refuge ! La végétation en masquait l’entrée, c’était la raison pour laquelle ils avaient chuté là dedans avant d’avoir pu se rendre compte de quelque chose.

Courir dans les hautes herbes avait quelque chose d’inquiétant. Chaque pas était incertain et, des créatures de toutes sortes se terraient ici et là, pas particulièrement pressées de croiser un calmar géant sur leur passage elles aussi. Mais aujourd’hui, un nouveau met était à la table d’hôte et, il semblait que tous n’avaient précisément que ces quatre appétissantes composantes courantes en tête.
L’adrénaline a des effets assez impressionnants, mais pas permanents. Dans le ravin, avec le menaçant calmar, tout près, qui pouvait les broyer tous d’un coup de tentacules, Jakob n’avait pas souffert une seconde malgré sa plaie ouverte. Tirer la flèche avec cette même main n’avait pas été plus difficile qu’à l’habitude et il lui fallut quelques bonnes minutes avant qu’il ne ressente quoi que ce soit. Désormais cependant, dans les hautes herbes, la magie retombait. Sa main brûlante contre lui, l’intérieur plaqué sur son vêtement pour éviter que le sang ne tombe parterre et ne laisse une trace que trop évidente pour de quelconques prédateurs, Jakob s’efforçait de demeurer sur ses deux jambes, bondissant tantôt par-dessus une cavité dans le sol, manquant de glisser dans la boue par moments et serrant la mâchoire dans une tentative de contrôle de l’incendie qu’il avait le sentiment de tenir dans sa main.

Combien de temps cette course durerait-elle? Il semblait qu’aucun échappatoire ne se présentait devant eux. Il tourna la tête vers Even. Peut-être avait t-elle vue une escale venir bientôt. En effet, deux arbres, là juste devant. Jakob pressa le pas, suivant de près la commandante, mais s’arrêta bien vite dans sa course. Even l’avait entendu aussi, ce grognement. Pas le temps de dire quoi que ce soit, la bête bondissait sur la jeune femme. Par réflexe, le dragonnier porta sa main droite au pommeau de son sabre rangé dans son fourreau mais, au contact de ses muscles à nu et du métal il grimaça, une vive douleur le prenant d’un coup. Even avait déjà réagit lorsqu’il rouvrit les yeux la seconde suivante. Alerté par son cri, oubliant sa main lancinante aussitôt, il reprit sa course, vers elle, mais déjà elle reprenait la fuite à son tour, le regard un instant rivé aux marques de griffes laissées par la panthère vaincue, dans le dos de la dragonnière.

Il fallait avancer, continuer d’avancer en regarder devant, ne se préoccupant que du but à atteindre, soit un abri. Le hasard fait parfois bien les choses. La forêt, bien que dangereuse, s’avère également très propice aux cachettes, aux grottes camouflées, aux terriers masquées, gueules béantes en permanence ouvertes. Cette fois cependant, le hasard avait fait des dragonniers des chanceux, car un abri semblaient les attendre, là sous leurs pieds. Even était tombée la première, Jakob vit ensuite Alandy (?) glisser et à son tour, il s’engouffra dans l’ouverture pour finalement aboutir dans une grotte. Jakob entrevoyait un moment de répit à venir avec grand soulagement. Courir n’était pas un problème quand le danger menace derrière, on avance, c’est tout, mais tout de même, le corps à ses limites. Haletant, il aida tout de même les autres à refermer l’ouverte de leur nouveau repère avec sa main indemne. Les tentacules rampants du calmar semblaient être partout au-dessus, fouillant, cherchant la moindre parcelle d’homme mais, heureusement, la bête ne trouva rien, s’éloigna, et enfin, le calme tomba sur eux, lourd de restes d’émotions fortes. Si ce n’est de Davis, toujours plus calme que les autres. Ce gars-là a vraiment des nerfs d’acier, se disait Jakob mais, il ne s’y attarda pas longtemps, songeant plutôt à visiter les lieux, ou inspecter, plutôt. À part des humains, il ne semblait pas y avoir eut grand prédateur, tant mieux, ils ne risquaient pas de faire de mauvaises rencontres. Il s’éloigna et alla déposer ses sacs près d’une paroi. En se penchant pour fouiller dans les effets qu’il avait apporté à la recherche de quelque chose pour faire cesser l’hémorragie, il aperçut en coin Even et se redressa, le regard attiré par son épaule entaillée. Leurs regards se croisèrent et elle l’interpella. Il la rejoignit, s’agenouilla devant elle et lui montra sa main meurtrie, portant son regard dessus également. Il ne l’avait pas vraiment regardée, jusqu’à présent, et c’était moins joli qu’il ne l’avait crut, la douleur était justifiée. Que restait-il de ses couches de peau? Des lambeaux… Jakob hésita avant de répondre, ne sachant trop comment formuler en mots les images qui lui revenaient en tête, mêlant panthères aux crocs acérés, tentacules, jet de glace, dragons dans le ciel… Il soupira, laissant du coup retomber la pression, ses idées s’éclaircirent.

-J’ai été surpris par Hithlum… Ma main elle… Il fronça les sourcils, la chose lui paraissait impossible, si vraiment c’était ce qui s’était passé, alors comme il avait… ah si… Elle s’est collée sur la fusée de mon sabre… J’ai dut tirer dessus, tout à l’heure...pour tirer la flèche… Et toi ça va, ton épaule?

Tout en s’informant d’Even, de sa main gauche il effleura du bout des doigts l’endroit où la dragonnière avait été touchée et, sentant la pommade, il retira sa main. Even termina son bandage.

-Merci… murmura Jakob en levant les yeux vers elle.

C’est Davis man qui fut l’heureux élu pour s’occuper de l’épaule de leur commandante. Nul doute que Jakob aurait voulut le faire mais, un nouveau regard sur sa main désormais prisonnière d’un tissu blanc confirma les dires d’Even, il ne pouvait pas grand chose pour elle, même s’il le voulait.

Relevé depuis un moment, il s’adossa contre une paroi et se laissa glisser contre celle-ci jusqu’à s’asseoir. De sa main gauche, il sortit de son fourreau son sabre et le pointa devant lui. Saurait-il seulement se servir de son arme, ainsi amoché? Il le faudrait bien. Antu-Di se montrait de toute évidence bien peu accueillant, des surprises restaient à venir. Sabre toujours pointé droit devant, alors qu’Even se faisait soigner, Jakob se releva et s’écarta un peu du groupe. Au ralenti, il tenta quelques figures, voir s’il parvenait à tirer quelque chose de potable de son bras gauche. Les gestes manquaient de précision, de force et d’assurance, mais déjà c’était moins pire qu’il l’avait redouté. Il s’arrêta, rangea son sabre et se tourna vers Even, qui s’était mise à parler. Jakob leva les yeux vers le haut de la grotte, masquée par le bouclier de végétaux. Lui vint la désagréable impression de se sentir comme dans un piège. Il chassa cette idée de sa tête, se retournant avec un soudain entrain pour retrouver ses sacs dès qu’Even eut terminé. Il plongea sa main gauche dans l’une des poches et en sortit une poignée de galettes. Genre de galettes bourrées d’aliments nutritifs, dures comme roc mais, nourrissantes. Il alla vers Alandy, lui en donna une, Davis même chose et finalement, Even eut droit au même appétissant mets, avec lequel les dragonniers devaient sans doute tous être familiers. Ce qu’il y avait de bien avec ces espèces de gros biscuits hyper compacts, c’est qu’ils ne risquaient pas d’attirer de quelconque curieux, étant très peu odorants, voire pas du tout.

-Avec ces galettes dans le ventre et une bonne nuit de sommeil, les panthères d’Antu-Di n’auront plus qu’à rentrer les griffes! Fit Jakob en esquissant un sourire en coin. Il croqua dans sa galette, grimaça et avala quasiment tout rond. Ca va aller… reprit-il un peu plus sérieusement, étirant son regard sur Even, et on a quand même quatre anges gardiens, là-haut quelque part… Un peu loin mais, il haussa les épaules, les calmars aussi, ca doit dormir...

Levant la tête vers l’ouverture de la grotte, au travers les branchages Jakob put apercevoir quelques minuscules parcelles de ciel, du moins c’est ce qu’il préféra s’imaginer. Savoir le ciel toujours là-haut, c’était se savoir relié au moins par l’infini bleu à leurs compagnons ailés.
Sa diversion avait un instant fonctionné, lui faisant oublier ce que protégeait ce tissu sur sa main mais, en s’adossant de nouveau contre un mur de pierre afin de s’y laisser glisser, Jakob inspira profondément se répétant que ca passerait, ca passerait… Se servant de l’un de ses sacs pour oreiller, il s’étendit sur le dos et termina sa galette vite fait qui, malgré son goût, avait quelque chose de réconfortant, un peu de la ville d’Ene, peut-être…

[est-ce que c'est la nuit?

]

[Réponse de SUPEREVEN : ouais =D Davis, tu peux raconter la nuit si tu veux, moi je reprendrais le réveil.]

Des nerfs d’acier ? Pas tant que ça… Davis n’était pas un surhomme non plus, et son propre corps aussi avait ses limites. La preuve, il tentait de reprendre son souffle et de le faire redevenir normal. Peut-être le fait qu’il le fasse en silence et sans laisser son visage trahir sa fatigue donnaient-ils l’impression qu’il n’était pas essoufflé. Enfin bon, ce n’était pas vraiment le centre d’intérêt du jour. Les trois autres avaient glissés devant lui dans cet endroit clos, un moment auparavant, et il avait encore été le dernier à les rejoindre. S’étant empressé de reposer les deux sacs qui le faisaient souffrir, le jeune homme aida les autres à obéir aux ordres sans rien dire. Qu’aurait-il put dire de toute manière ? Plus inutile que des paroles futiles n’existe pas… La ruse fonctionna : ils entendirent les tentacules passer au-dessus d’eux, fureter, épier… puis finalement se lasser et partir à la recherche de proies plus intéressantes. Les soupirs de soulagement se firent entendre dans l’abri. Le danger était passé. Davis fixait le plafond, si l’on pouvait appeler ça comme ça, de l’endroit, où perçaient divers rayons de lumière qui trahissaient la présence du soleil couchant et leur offrait quelques minutes d’éclairage naturel. Il faudrait allumer un feu rapidement, sinon, ils risquaient de ne plus rien voir d’ici une ou deux heures tout au plus.

Son esprit prit dans ses réflexions n’entendit rien des conversations ou des remarques des autres, si commentaires il y avait eut. Debout, toujours proche de l’entrée qu’ils avaient bouchés, une main passée sous la lanière de ses sacs, ses yeux clairs semblaient étudier avec minutie la chose en face de lui, comme s’il souhaitait graver dans sa tête le moindre détail, la moindre disposition de feuille ou de quoi que ce soit d’autres. Qui sait, une bête longue et fine aurait put se glisser là… Non, peut-être pas finalement. Et ses méninges se mirent à imaginer toutes les diverses possibilités sur cette entrée, possibilités non négligeable quand à la sécurité du groupe. Il se déconnecta du monde alentour, focalisé sur un point bien précis, oubliant sa fatigue et même, l’endroit où il se trouvait. Davis était comme ça : lorsqu’il réfléchissait à quelque chose, il se plongeait dans une sorte de transe qui se trahissait par un regard vide de toute expression et une immobilité parfaite. Allez savoir pourquoi cette soudaine situation le prit… Ce fut le fait d’entendre son nom qui le fit raterrir plutôt soudainement sur le sol ferme, et le jeune homme remarqua alors qu’il s’était agenouillé et qu’il mordillait le bout de son pouce songeusement. Les sacs qu’ils portaient reposaient soigneusement contre la paroi, le laissant libre de tous mouvements. Sa cervelle se mit aussitôt en route pour ne pas perdre une seule miette des paroles qui lui étaient adressées, si paroles il y avait bien, mais il lui fallut plusieurs secondes pour les analyser correctement. Basta la sécurité et l’entrée, autre chose semblait devoir faire l’objet de son attention. Ah oui, la commandante elle-même… Filer un coup de main ? Pour quoi faire ? O_o… Pis la mésaventure lui revînt lentement à l’esprit. Son épaule ? Et elle voulait qu’il fasse quoi, qu’il l’aide à se mettre un pansement ? Euh… Il était pas infirmier de nature lui x) Haussant un sourcil, il laissa néanmoins son corps se lever, comme à son habitude : même si son esprit était des fois contre, ses gestes obéissaient toujours aux demandes des autres. C’était comme ça, et pas autrement.

S’approchant, il constata que Jakob avait la main bandée. Ne l’ayant pas vu décoller sa paume de l’épée glacée, il ne sut pas sur le coup quelle était la cause de cette blessure. Même si sa cervelle avait enregistrée inconsciemment les bruits alentours, s’était enfouit tellement profondément qu’il n’était pas près de les ré-entendre x) Il avait reprit une respiration normale et rien dans son attitude ne laissait plus deviner quelle course ils avaient dut faire pour parvenir jusqu’ici. Even s’était installée contre un des murs, laissant tomber sa chemise de son épaule pour soigner sa blessure malheureusement assez sanguinolente, mais peu profonde tout de même. Ca se soignerait vite, mais ça ferait mal un petit moment, du moins, à ce qu’il jugea. Mais n’étant ni médecin qualifier, ni même pourvu de dons pour une quelconque aide médicale, il se tu. Attrapant le bandage qu’elle lui tandait, il le déroula et en appliqua l’un des bouts sur sa blessure, avant de commencer à l’enrouler soigneusement : d’abord remonter vers le haut de son épaule, passer sous son bras, repasser sur ce chemin plusieurs fois, avant de faire le tour de son dos de temps à autre pour permettre de tenir solidement le pansement. C’était les gestes minimum qu’un dragonnier savait faire, Davis n’avait aucun mérite et n’en réclamait nullement le droit. Le regard posé sur la peau de sa supérieure, il ne pensa à rien d’autre que terminer ce truc pour retourner à ses réflexions – si si ! Ce n’était pas le moment de s’étonner de quoi que ce soit, même si la jeune femme était très jolie au passage lol. Enfin bref.

Tandis qu’il s’attelait à cette tâche sans rien dire, se disant que décidément, ce raid commençait mal, Jakob leur tendit à chacun une de ses galettes de survie entre guillemets, qui ne pourrissaient jamais, par le plus grand des hasards. Et pourtant, dieu seul savait combien de fois les plus jeunes avaient tentés de trouver la durée maximale de survie de ces aliments… a croire qu’elles étaient immortelles xD ! En tout cas, elles pouvaient servir à pleins d’autres choses qu’à se nourrir. Rien que de penser à tout ce qu’on pouvait en faire, un léger sourire apparu sur le visage de Davis. Allons, ils avaient tous été plus jeunes… lol. Quant il eut fini, il vérifia que s’était suffisamment calé mais pas trop serré, puis la laissa, toujours sans dire un seul mot. Il avait prévenu : les paroles étaient inutiles. Quand il aurait envie de parler, il parlerait. Mais pour le moment, il n’y avait rien à dire. Rien du tout… Au bien sûr, Davis aurait put prononcer quelque chose de sympathique, au moins à Even car c’était un peu grâce à elle s’il se trouvait là et qu’Hithlum n’était pas consignée en stalle. Mais vu la tournure des évènements, il se demandait si c’était réellement une bonne idée. Parler, ou amuser par une réflexions ou deux comme Jakob, mais il s’en sentait bien incapable. Si sa bonne humeur n’était pas là, la mauvaise non plus. Il se trouvait entre les deux, sans savoir vers quel côté pencher. Que c’est dur de devoir être naturel…

Ce fut Alandy qui, le premier, eut l’idée de réellement faire un feu dans les cendres laissées par le précédent groupes. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, une flamme s’éleva, suivit d’autres, répandant une étrange atmosphère mouvante dans la pièce. Un regard vers le haut lui suffit pour comprendre que la nuit était tombée. Peut-être pas entièrement, mais on ne distinguait plus aucun signe de luminosité. Juste au bon moment… Le groupe mangea ce que les sacs contenait. Les autres parlaient, Davis écoutait en silence, voir de temps à autre, intervenait. Tenant entre ses doigts deux tranches de pains tartinés d’il ne savait quoi, et il s’en moquait, ce n’était pas lui qui avait préparer ses sacs, il suivait des yeux ses trois acolytes assis confortablement devant les flammes. Cette situation aurait put être tranquille, et le jeune homme espéra doucement qu’elle soit la même tous les soirs où ils devraient encore passer la nuit ici. Que les ombres qui s’étendaient derrière eux restent quatre, et non trois ou deux. Ses réflexions à plomber l’ambiance lui firent apparaître un doux sourire mélancolique qu’il garda mystérieux, histoire de ne pas déranger les autre dans leur discussion animée. Puis l’heure de dormir sonna, comme qui dirait lol. A l’abri dans cet endroit, ils estimèrent qu’il n’y avait pas besoin de tour de garde… l’un après l’autre, ils s’éloignèrent, se confectionnèrent un oreiller de fortune voir prirent une des couvertures dans un sac, puis s’endormir, certains plus rapidement que d’autres. Et, tandis que le dernier des trois autres se levait pour s’en aller rejoindre Morphée au pays des songes, après que Davis lui ai certifié dans un léger sourire qu’il n’allait pas tarder à aller dormir un peu lui aussi, le jeune homme se retrouva seul devant les flammes brûlantes.

Il ne pouvait pas dormir, il ne voulait pas, estimant qu’il n’en avait pas besoin. Cela faisait un moment qu’il entendait une respiration calme un peu plus loin, qui trahissait un endormissement profond et paisible. Vers sa gauche, des reniflements de temps à autre, accompagnés d’une autre respiration lente. Quelques fois, le bruit d’un corps qui bouge, un soupir doux, ou encore une sorte de ronronnement inconnu et furtif. L’ambre si caractéristique de ses yeux ne quittait pas le feu dansant doucement dans son foyer. Il aurait put rester là des heures, car ce genre de moment le poussait toujours à méditer doucement. Activité stupide, il était vrai, mais que voulez-vous. Il adorait passer des heures à penser à tout et à rien. En plus, il faisait une douce chaleur dans cet endroit qui le rendait supportable. L’onde chaleureuse avait la fâcheuse manie et réputation de créer de temps à autres quelqu’illusion d’optique qui faisait croire à son observateur qu’il revivait une quelconque scène. Mirage lui en prit, prit dans ses réflexions, le sommeil se mêlant à son esprit censé, Davis vit doucement comme des formes se dessiner entre les flammes. Des choses légèrement floues, mais qui ne pouvaient se montrer inconnues face à lui. Ses yeux discernèrent l’impression d’un dragon, une tête qui lance une attaque de feu. Des yeux clairs et perçants, puis la tête disparaît dans un craquement de bois, laissant place à une sorte de masse incompréhensible. Ca semble comme grésiller, c’est très étrange. Soudain, ça explose en deux sortes de dragons qui ont l’air de se poursuivre. Le premier à comme une étincelle entre ses ailes. Le second monstre de flammes se précipitent alors sur le premier dans une gerbe chaude, l’enveloppant comme pour l’engloutir… et Davis à comme l’impression d’entendre de nouveau le cri déchirant du dragon mêlé à celui du dragonnier voyant sa fin immédiate. Il cligne plusieurs fois des paupières. Il n’y a plus rien dans les flammes, l’image à disparu. Fin du mirage…

De la sueur avait légèrement envahit le coin de ses tempes. Davis les essuya du revers de sa manche, se forçant à penser à autre chose. Mais les souvenirs des raids sont tenaces, malheureusement. Il entendit soudain une voix, mélange de murmure et de grognement, lui demander (ou ordonner ?) d’aller dormir. Le jeune homme n’aurait su dire qui lui avait conseiller ça, mais il répondit simplement :

- Pas tout de suite… -

D’un ton discret et distant. La voix mourut parmi les souffles du sommeil, et il se demanda un instant s’il n’avait pas rêvé. Sûrement, comme le fait de voir ces dragons dans les flammes. N’importe quoi… Vraiment, il déglinguait de plus en plus, et le début de ce raid ne l’aidait pas. Le haut de son dos l’élançait de temps à autre, furtive douleur, mais là quand même. Bof, ce serait partit demain, sans doute. Pas de quoi s’inquiéter, ni le moment de faire le difficile. Il y eut une sorte de craquement au-dessus d’eux. Relevant vivement la tête, il guetta, au cas où un éventuel danger les aurait repéré… mais rien ne vînt. Tant mieux. La nuit était déjà bien avancée, presque terminée, pourtant, il n’avait toujours pas l’impression d’avoir sommeil. Il fallait pourtant dormir, car la journée du lendemain demandait d’être en pleine forme. Mais le dragonnier ne put s’y résoudre. Ses yeux refusaient délibérément de le laisser dormir, tout comme son corps ne bougeait pas de sa position assise, une main appuyée derrière lui pour se tenir. Depuis combien de temps n’avait-il pas mit les pieds dans un lit ? Sur un matelas au moins… Un petit moment. Non, un long moment. Il n’en savait rien.

Poussant un soupir face au feu qui commençait à s’éteindre, il le raviva avec un morceau de bois traînant pas loin, puis se décida à bouger. Se calant près de l’entrée, dos aux autres et face à celle-ci, il fit en sorte que son sac lui serve d’oreiller. Ce ne fut que longtemps après que le sommeil décida de venir hanter son esprit aux méninges surexcitées. Ce ne fut que lorsque les premiers rayons du soleil se manifestèrent qu’il déconnecta toutes ses neurones de la réalité. Mais déjà, alors qu’il n’avait fermé les yeux que depuis quelques minutes, le premier de ses trois compagnons s’étira paresseusement, se réveillant doucement.

La nuit avait été courte, mais appréciée à sa juste valeur. Even se réveilla et se redressa sans bruit tandis que ses compagnons terminaient leur nuit, encore emmitouflés dans les grosses couvertures brunes du paquetage. Son regard traîna un peu partout, pour vérifier que tout le monde était là et que tout allait bien… Davis était finalement allé dormir près de l’entrée, comme si il avait peur de la proximité. Even ne le comprenait pas… Il était étrange, lunatique. Jakob et Alandy s’étaient, eux, installés près du feu tout comme elle. De ce dernier, il ne restait que quelques cendres qui fumaient encore paresseusement. Lorsqu’elle leva les bras au dessus de la tête pour s’étirer, la jeune femme ressentit une vive douleur à l’épaule et elle se recroquevilla aussitôt, regrettant son geste. Son épaule avaient prit des coups, la veille, et la nuit le lui avait fait oublier… En se souvenant de leurs mésaventures, son regard se tourna aussitôt vers le pirate aux cheveux blancs. Sa main bandée dépassait de la couverture qui enveloppait son corps, et les morceaux de tissus étaient déjà souillés de sang… Cela avait dû le faire souffrir toute la nuit, il faudrait rebander la blessure dès qu’il se réveillerai.

Even eu le temps de plier ses affaires et de refaire le feu avant que Jakob n’ouvre enfin les yeux. Aussitôt, elle s’empara des bandages propres et s’assis à coté de lui avant de poser ses yeux sur son unique œil bleu. Il avait la tête de quelqu’un qui avait passé une mauvaise nuit…

-Est-ce que ça va? Donne moi ta main, il faut refaire ça…

Alors qu’elle s’occupait de sa blessure avec calme et attention, Alandy se leva à son tour et leur fit passer les mêmes gâteaux que la veille. Doucement, le groupe d’aventuriers s’éveillait et entamait les préparatifs pour la petite randonnée qui les attendait. Even ne savait pas trop où aller… Ils pouvaient tenter la cascade de l’autre fois, il y avait de bonnes chances pour que des œufs de dragons y soient encore, vu que ce qu’il avaient trouvé l’autre fois était bel et bien un nid, et un beau. Cependant elle craignait que les dragons sauvages n’aient déménagé ledit nid et que le groupe de dragonniers tente l’aventure et prenne des risques pour rien. La cascade était loin… Il leur faudrait au moins une journée de marche pour y parvenir, et sans les dragons avec eux, les humains étaient vulnérables à l’extrême quant aux multiples dangers de la jungle. D’un autre coté, pensait-elle, vagabonder au hasard dans le repaire d’Antu-Di en ne comptant que sur la chance pour dégoter un ou deux œufs, c’était encore plus idiot. La chance, ils l’avaient déjà eu la veille en tombant par hasard dans cette grotte en sécurité, il faudrait pas compter dessus une deuxième fois.

Les rayons qui filtraient maintenant par les ouvertures dans la paroi étaient devenus plus intenses et auréolaient la petite pièce naturelle d’une jolie lueur blanche, bien que l’endroit restât assez sombre. Lorsque tout le monde fut prêt à partir, son ventre rempli, ses bandages refaits et son bagage sur le dos, Even donna enfin le signal du départ. Ils écartèrent le panneau qui dissimulait l’entrée de la cachette et sortirent un par un à l’air libre. La forêt n’était pas moins menaçante que la veille, mais au moins aucun calmar n’était en vue… La jeune femme venait de leur expliquer, alors qu’ils étaient encore dans la grotte, ce qu’ils devaient faire dans la journée, le chemin qu’ils allaient parcourir et les but qu’il devaient atteindre. Elle avait finalement décidé que la cascade était un choix judicieux, seulement il faudrait traverser la rivière à quatre heures de marche de la grotte, et cela n’allait pas être une partie de plaisir… Ces gros lézards à dents avaient bien faillit couper la jambe de Jarine lors de son raid précédent… Il faudrait éviter à tout prix d’y mettre le moindre orteil, mais Even avait sa petite idée sur la façon de procéder : elle nageait assez bien, du moins pour quelqu’un qui ne connaissait guère qu’un petit ruisseau solitaire. Elle traverserait rapidement le cours d’eau avec une corde tandis que ses compagnons tiendraient en respect les crocodiles, et il serait assez aisé de confectionner un pont de fortune fait de deux cordes tendues une fois qu’elle serait de l’autre coté. C’est ainsi qu’ils s’étaient débrouillés l’autre fois, et cela avait relativement bien marché, si on oubliait l’incident durant lequel Jarine était tombée…

Saisissant une branche et cassant son extrémité, Even se tourna vers l’enchevêtrement de branchages et de fougères qui s’étendait devant eux et, armée de son nouveau bâton de marche, elle s’élança. Lorsqu’il passèrent près de grosses lianes lourdes et épaisses, elle leur fit faire un détour pour passer le plus loin possible d’elles.

-Attention à ces lianes, surtout. C’en sont peut être des vivantes…

De pénibles souvenirs refaisant surface dans sa tête, la jeune femme la secoua et reprit son chemin avec détermination. Les végétaux qu’ils piétinaient s’écrasaient mollement sous leurs semelles et ne produisaient pas un grand bruit, c’était l’avantage de cette jungle humide. Souvent, Even levait les yeux vers le ciel et en sondait rapidement les nuages : elle espérait le retour prochain des dragons, qui leur seraient bien utiles si ils décidaient enfin à montrer le bout de leur museau. Cependant, elle le savait, ils ne seraient pas de retour avant le soir. Les montagnes étaient bien loin… Et Nox savait parfaitement qu’il serait bien impossible de retrouver les humains sous le couvert des arbres tant que la lueur d’un feu dans l’obscurité ne le guiderait pas. Ils avancèrent ainsi toute la matinée, et s’arrêtèrent lorsque le soleil fut haut dans le ciel pour manger un peu. Even était fourbue, ses jambes lui faisaient un mal de chien et les muscles de ses cuisses se contractaient douloureusement. Il fallait avouer que le terrain n’était pas des plus plats : il y avait tout le temps des troncs d’arbres couchés à enjamber, des lianes à éviter, des trous dans le sol... Alors qu’elle réprimait une crampe en faisant la grimace, la dragonnière observa ses compagnons et s’enquit de leur état. Ils discutèrent un moment, le plus bas possible, tentant de se décontracter quelque peu. La rivière n’était plus qu’à dix minutes de marche, et ils savaient tous que le moment serait délicat. Lorsqu’ils reprirent la marche, Even oublia momentanément la douleur dans ses jambes et dans son épaule pour se concentrer sur ce qu’elle devrait faire dans quelques instants. Se jeter dans ces eaux troubles et dangereuses nécessitait une certaine détermination…

-Nous y sommes…

Ils venaient d’arriver devant le cours d’eau. Les flots étaient plutôt calmes et paresseux, mais on devinait, à quelques centimètres sous la surface, les corps puissants des gros lézards qui hantaient les lieux et terrorisaient les animaux qui venaient s’abreuver. Even se décida alors à faire part de son plan aux dragonniers qui se trouvaient alors dans la même mouise qu’elle-même.

-Vous allez attirer l’attention des bestioles. Il faut des grands bâtons, et vos arcs prêts à l’emploi. De la viande aussi… Alandy, il faudrait que tu abatte l’un de ces singes là bas, ceux qui sont sur le grand arbre, tu les vois ? Si vous balancez de la viande juste là, tous les crocodiles vont s’approcher, ensuite vous devrez vous montrer menaçants en utilisant les bâtons, les forcer à concentrer leur attention sur vous. Pendant ce temps, je traverserai la rivière à la nage. Une fois sur l’autre rive, vous m’enverrez des cordes à l’aide de vos arcs et de vos flèches, et on pourra en tendre deux pour construire un pont. J’espère que vous avez tous un minimum d’équilibre…

[Voilà, je vous laisse raconter la traversée épique \o/]

Courte et entre-coupée, rien à voir avec les nuits qu’il passait à Ene, consistant en des sommeils terriblement profond, des sommeils de mort, d’ivre mort. Et qu’il était bien, dans son lit… Perdu dans une mer de couvertures, partie intégrante de son beau désordre… Bon sang que tout cela était loin. Le sol était dur, son sac de couchage, heureusement, chaud, mais reste qu’ils se trouvaient tous au beau milieu de la forêt d’Antu-Di. Seulement… étrangement peut-être, là ne résidait pas le problème de Jakob alors qu’il venait de fermer les yeux sur leur petite caverne, non, le pirate avait mal, et la douleur a cette emprise sur les hommes… incroyable. Elle aveugle, rendant toute pensée cohérente parfois impossible, mais Jak n’en était pas encore à ce point alors que la nuit tombait seulement. Il songea à Even, endormie tout près, à Ene, à Luzo, à la nuit là dehors avec ses panthères et ses calmars, à…

Un cycle de sommeil passé, il se réveillait en sueur, sursautant. La caverne, les calmars, Luzo, les dragons, les dragonniers… Tout lui revint rapidement à l’esprit, et puis la douleur lancinante qui lui déchirait la main lui rappela également à sa manière dans quelle inconfortable situation il se trouvait. Il n’osa pas regarder le bandage qu’il devinait souillé, et se coucha sur sa main, ventre contre sa paume ensanglantée. Si seulement elle pouvait s’engourdir un peu et faire cesser, d’un tantinet au moins, la souffrance.

Il se rendormit, et se réveilla. Jakob ne sentait plus sa main, mais ce qu’il pouvait avoir chaud! Son cache-œil en glissait sur sa joue, d’un geste brusque, il le retira et le posa près de sa tête. Il enfouit un côté de son visage contre ce qui lui servait d’oreiller, enleva sa main de sous son ventre et tâcha de se rendormir. À quelques reprises il rouvrit l’œil, mais parvint tout de même à accumuler quelques précieuses heures de sommeil. Lorsque enfin la nuit tira à sa fin pour Jakob, déjà Even était debout, ainsi que Davis. Se lever serait pénible, sortir seulement de ses couvertures trempées, bouger cette… loque de main, ranger ses affaires… sortir de là… Il soupira profondément et agrippa son cache-œil demeuré tout près de sa main valide, l’enfila maladroitement et laissa retomber sa tête contre le bagage qui lui servait d’oreiller en refermant son œil bleu. Un peu d’alcool n’aurait pas fait de tord, là maintenant. Peut-être en aurait-il oublié les dangers et l’inconfort du raid… Mais non, il ne fallait pas, s’aurait été stupide, complètement, et puis de toute façon il n’avait rien sur lui… non?

Lorsqu’il rouvrit un œil, Jakob découvrit à ses côtés Even. Oui, oui… songea-t-il sans avoir le courage de parler, je vais me lever… Mais plutôt que d’annoncer un départ imminent et de le presser, la dragonnière s’informa de son état, elle voulait le soigner… Il ouvrit la bouche pour parler, mais s’étouffa et toussa. Il tendit sa main sans tenter d’ajouter quoi que ce soit de suite. Sentir l’air directement en contact avec sa chair à vif eut un effet soulageant. Il se laissa soigner en profitant d’un moment de calme pour respirer un peu avant de repartir.

Une fois changé de vêtements pour remplacer les détrempés de la veille, son estomac exceptionnellement capricieux à demi rempli de quelques bouchées de galette, chargé de ses sacs, Jakob était fin prêt. Ils marchèrent, longtemps. Ne pensant à rien, s’efforçant strictement de continuer à avancer, de suivre Even, Jakob avança en automate, se montrant anormalement haletant, mais gardant le rythme, luttant contre lui-même et ses sueurs. Antu-Di ne viendrait pas à bout de lui, surtout pas ainsi, à force de fatigue, sans même une bestiole désireuse de les dévorer.
Enfin, ils s’arrêtèrent. Jakob se laissa tomber parterre, s’asseyant en tailleur et s’adossant contre le tronc d’un arbre tombé. Non pas à contre-cœur, il avala une galette qui sembla lui rouler en bouche longtemps avant qu’il ne daigne en avaler les bouchées. Il s’efforça de se montrer encourageant, fixant le Jakob sympathique et positif sur le pilote automatique pendant que l’autre s’évertuait à reprendre un souffle constant et à retrouver ses forces.

La rivière, c’était donc ça… Elle lui parut familière, sans doute y était-il venu antérieurement… Mais cela faisait longtemps que Jakob avait participé à un raid dans la jungle. Mais enfin, il fallait maintenant passer à l’action, venir à bout de ce raid et rentrer au bercail avec de quoi assurer la survie de tous ces gens pour un bout de temps… Leurs vies étaient tellement fragiles, leurs destins incertains… Planté là devant les eaux de la rivière, au milieu de la jungle, Jakob sentit, l’espace d’un moment, l’absurdité de tout ça, ici bas et là-haut, lui tomber dessus comme un poids énorme et insupportable. La voix d’Even le sortit heureusement de son abattement soudain.

Du reste, le temps n’était plus aux réflexions, mais ne l’avait-il seulement jamais été? Alandy revint avec un singe sur l’épaule, Jakob avait entre-temps sortit de son fourreau son sabre et, lorsque la carcasse inerte du mammifère fut par terre, il y enfonça la lame de son arme afin de trancher en morceaux l’animal. Le sang et la chair à nus, déjà, avaient attiré l’attention des gros lézards qui se montrèrent rapidement le bout du museau. Les trois dragonniers éparpillèrent alors la viande à l’endroit qu’avait indiqué la commandante et la réaction des crocodiles fut immédiate. Voraces, affamés peut-être, il se ruèrent sur le singe en morceaux à solides coups de mâchoires. Alandy se montra particulièrement efficace quant à la deuxième étape du projet, soit celle d’effrayer les monstres verts. Jakob s’y adonna avec un peu moins d’énergie, jetant de vifs coups d’œil à la rivière pour suivre la traversée d’Even. Elle nageait bien, malgré le courant qui la prenait de travers, elle allait généralement en ligne droite. Ce fut Davis qui fut chargé des cordes et de les envoyer sur l’autre rive. Jakob l’aida ensuite à fixer les extrémités qui étaient restées de leur côté à des arbres, une au bas, l’autre au haut pour se tenir.

Jakob laissa passer les deux autres devant lui, repoussant au plus tard le moment où il devrait mettre les pieds sur la corde, non pas qu’il avait le vertige, mais plutôt un léger problème avec l’équilibre, justement. Une partie de son champ de vision lui manquait, depuis son incident à l’œil et, conséquemment, son équilibre en avait été affecté. Cela faisait longtemps déjà et depuis, il avait eut tout le temps qu’il fallait pour s’adapter, mais reste que le côté droit de corps demeurait en partie, de son point de vue, plongé dans le noir. Mettre le pied dans le vide avait du coup plus de chances de lui arriver, le vide lui était en quelques sortes, invisible… Il regarda les autres traverser. Quelques crocodiles tentaient parfois de sauter hors de l’eau pour agripper une jambe, un pied, mais refermaient leur grosse gueule sur le vide, faisant claquer leur armée de dents.

Son tour arriva, finalement, et Jakob se hissa sur la corde au-dessus des gros lézards qui n’attendaient que sa chute pour passer à table… À l’eau plutôt. Euh… enfin bref, il entama la traversée, agrippant solidement de la main gauche la corde et y posant seulement son poignet droit. Prudent, ses pieds glissaient sur la corde, il avançait lentement, tournant la tête pour mieux voir devant. Les claquements de dents d’une mâchoire juste sous lui le fit s’arrêter. Un coup de vent derrière secoua les branchages, puis le secoua lui. Le cœur battant, il agrippa plus fermement la corde, mais tenta de continuer à avancer tout de suite, comme pressé de venir à bout de cette rivière, de ces bestioles, de sa lenteur et de son malaise là-haut. Déstabilisé, son pied tremblant glissa et il empoigna alors la corde de sa main droite, par réflexe, mais la retira aussitôt en lâchant une plainte de douleur, sa main, il avait oublié… Du reste, Jakob tomba dans le vide, mais sa main droite, encore, le rattrapa, ses doigts s’enroulant autour de la corde du bas. Les larmes lui montèrent aux yeux, mais pas le temps de brailler, ils étaient quoi… une dizaine à lui tourner autour dans l’eau. Le vent soufflait encore, le forçant à s’agripper encore davantage. Ses deux mains désormais sur la corde, il se hissa pour remonter ses hanches, mais alors qu’il allait s’appuyer contre la corde, il fut violemment tiré vers le bas, par le pied.
Il cala, cala encore, s’enfonçant dans les profondeurs de la rivière sans pouvoir remonter. Ses sacs… ils le tiraient vers le fond…si vite qu’il y eut un moment de flottement, un moment de répit alors qu’il avait littéralement glissé entre les mâchoires des bêtes. Jakob se battit contre les bagages pour s’en débarrasser.

Sa tête émergea de l’eau plusieurs mètres plus loin. Il aspira, la bouche grande ouverte, l’air qui lui avait manqué. Le courant était plus fort, sans doute se trouvait-il non-loin d’une chute. Tant mieux, il éviterait les crocodiles seulement, il espérait avoir le temps de rejoindre la rive avant de-

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La main sur le cœur, tout avait cessé de bouger, le tourbillon avait disparu, l’air était revenu et, ce cœur, il battait toujours, lent, fatigué, mais toujours.
Où sont les autres? Où était-il? Sur une plage, petite, à l’orée de la jungle, à l’écart de la chute…seul. Jakob ferma les yeux, respira, sa main toujours couchée sur ce cœur qu’il avait crut perdre lorsque qu’il avait sentit dans sa chute une pierre lui entailler la peau. Il respira pour respirer et, après de nombreuses minutes, se redressa, regarda autour de lui, il n’avait rien si ce n’est de sa propre peau et son sabre, et ses vêtements humides…
Jakob se leva, puis regarda le ciel. Luzo… il avait encore Luzo.
Et ses mains, pour faire un feu. Bêtement peut-être, alors qu’il amassait des branches autour, sans pouvoir l’expliquer, Jakob se sentait vivant comme il l’avait rarement été.

[on n'a qu'à continuer et puis on finira peut-être bien par se recroiser, compagnons.

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