A l'aube. > Calixte Syram

Le jour pointait à l'horizon. Déjà, les étoiles avaient disparu dans la grisaille du matin. Les nappes de brume légères qui flottaient dans l'air rendait l'atmosphère cottoneuse. Le soufle chaud de Venaïs dans toute cette fraicheur se muait en un petit nuage lorsqu'il franchissait ses lèvres. Cette nuit, elle avait mal dormi pour une raison qu'elle ignorait. Son esprit rêveur avait voyagé tout ce temps, empêchant la jeune femme de sombrer dans les bras de Morphée. Elle avait donc quitté son lit, agacé par ce sommeil qu'elle ne trouvait pas, avait revetu un pantalon épais, une paire de botte en cuir, une chemise écrue, et avait jeté sur ses épaules une veste solide. Venaïs avait ensuite remonté ses cheveux, grignoté un bout de pain bientôt dur, et, avant de quitter sa chambre, elle avait veiller à cacher sous sa chemise, dans un endroit dont seules les femmes bénéficient, un petit couteau tranchant. Pourvu que celui-ci ne déchire pas la toile de ses vêtements.
Elle s'était ensuite envolée, claquant la porte avec précipitation. Un employé de l'auberge marmonna dans sa barbe. Ce n'est pas l'heure de reveiller tout le monde, pour qui se prend elle la demoiselle. Elle l'ignora, elle n'avait pas dormi, tant pis si elle reveillait les autres. Devalant les escaliers, elle traversa la salle dans laquelle quelques clients de l'auberge prenaient leurs petits-déjeuners, et sans adresser un regard ou une parole, elle quitta le lieu. La porte se referma derrière elle, laissant s'engouffrer un grand courant d'air froid dans toute la pièce. Un murmure râleur parcourut la salle. Une fois à l'exterieur, le froid la saisi. Elle toussa lorsque l'air glacé emplit ses poumons, et s'étira. Certains matins étaient revigorants, celui-ci l'était beaucoup moins. Marchant à allure raisonnable, les mains remontés dans ses manches, Ven' observait les rues qui se reveillaient. Une odeur de pain se répendait sur les pavés, et la jeune femme constata avec amusement que les gens respirait cet air doux à grandes goulées.

Elle se dirigeait peu à peu vers les remparts. Le chemin de ronde comme ont disait. Une muraille sur laquelle on pouvait marcher, en haut de laquelle on pouvait regarder le ciel. Arrivée au pied de ces grands murs, la jeune femme leva les yeux, et chercha de ses iris sombres l'endroit où pendait une échelle de corde. Enfin, elle la découvrit, à une centaines de mètres d'elle, qu'elle parcourut en courant. Elle avait ensuite grimpé, et était parvenu au sommet en quelques minutes. La haut, le vent fort la propulsa en arrière, et elle plaqua ses deux mains contre les barrières de pierre. Elle s'habitua vite à ces quelques raffales, et tourna sur la droite, marchant lentement. Elle avait le regard rivé sur le ciel, déjà strié par le vol des dragons. Parfois, il lui semblait reconnaître un des dragons qu'elle avait croisé aux stalles. L'un d'entre eux était d'un pourpre si marqué qu'il semblait ensanglanté tout là haut. De l'autre côté, un dragon jaune trouait le gris légèrement rosé de l'aurore dans un trait si rapide qu'on eut dit une étoile filante. Elle constata également que les raffales qui balayaient le chemin de ronde étaient causée par le vol en basse altitude de certains dragons. Parois, elle entr'apercevait le visage d'un dragonnier, brièvement. Ceux-ci, nombreux le matin jouait avec leurs compagnons de vol, et la dragonnière avait toujours le sourire béat de ceux qui voient pour la première fois les figures complexes qu'on pouvait réaliser en vol. Elle même en était capable.

Depuis quelques minutes, un bruit auquel elle ne portait nulle attention parcourait le chemin de ronde. Celui ci se rapprochait au fur et à mesure, et si la demoiselle l'avait écouté, elle aurait deviné un bruit de course. Malheureusement pour le courreur, et pour elle même, elle n'avait rien deviné. Jusqu'au moment où elle fut percutée. Elle recula de quelques pas, sonnée, et releva les yeux, découvrant celui qui l'avait tamponné. Elle reconnu en son visage pâle un certain Calixte Syram, lequel elle avait rencontré quelques jours plus tôt sur les toîts du dortoir. Elle bafouilla. - Excusez moi, je ne regardais pas où j'allais..

Nouveau Dragonnier Nombre de messages : 31 Date d'inscription : 16/11/2007

Sur l'une des marches devançant l'entrée de l'une des tours de garde, qui ponctuaient les remparts à intervalle régulier, se tenait un garde, les mains réunies autour de la bouche en porte-voix.

- Trois postes en trois minutes ! Pour trois Piastres !

Sa tenue était celle de l'armée régulière, ce qui faisait de lui le responsable de ce poste de surveillance. Sûrement, malgré l'heure matinale, deux volontaires de la garde civile devaient encore être présent. Ils devaient avoir passé la nuit avec lui, afin de veiller tard en sa compagnie et rendre sa tache un peu plus supportable. Ce qui leur avait laissé le temps de préparer leur petit défi coutumier du matin. A savoir, soumettre leur habituel visiteur à un petit défi coutumier.
Ce dernier s'avançait à un rythme régulier, dicté par un savant mélange entre vitesse, stabilité et régularité. Sa tenue, par cette saison, semblait tenir de la folie. Un haut blanc proche du corps, laissant les bras à nus. Un pagne fait de lamelles de cuir souple, presque de la même couleur, permettant aux cuisses du coureur de monter et descendre sans être gêné dans ses mouvements. A ses pieds, une simple paire de sandales aux lannières de cuir remontant bien au dessus du mollet afin de créer une unicité entre le fragile soulier et la voute plantaire. En guise d'accessoire, le coureur portait deux cercles de cuirs noués, l'un autour du poignet gauche, l'autre autour du biceps droit. Le premier permettait de sentir un meilleur équilibre sur son bras gauche - il était donc de fait droitier - alors que l'autre mettait plus simplement le muscle en valeur. Touche finale, une petite bourse était nouée à sa taille, liée à sa ceinture.

- Pari ?!

Le garde lui cria ce simple mot, visiblement porteur d'un sens caché mais partagé des deux parieurs.

- Tenu !

Calixte avala les trois marches d'un bond leste, traversant le premier poste de garde de quelques enjambées, avant d'en émerger par l'autre côté à une vitesse ayant presque doublé sur ces quelques pas. Il se réceptionna en souplesse sur le chemin de garde aux dalles lisses, prenant garde aux interstices qui parfois pouvaient poser problème, avant d'entamer une première course directe entre ce premier poste et le suivant. Le froid, les vents de côté posaient problème. Mais à une vitesse modérément rapide, traverser trois postes en trois minutes ne poserait pas de soucis particulier pour un coureur averti. A la condition que ce dernier ne souffrit pas de vertige, bien entendu, car le chemin de ronde jouxtait le vide sur son côté gauche et seule une maigre rembarde de bois séparait le rebord des rues en contrebas, à une distance d'environ quinze pas. Il fallait donc se préparer à une embuche quelquepart. Une fois, il s'était retrouvé avec les portes fermées, grosse difficulté qu'il n'avait pu contourner qu'en passant par une fenêtre, sur le côté. Une autre fois, un garde lui avait bloqué le passage et l'avait retardé, petit mais efficace. Mais celle qui marchait encore le mieux était la fois où une des volontaires de la garde civile lui avait proposé soupes et repas, ce en quoi il s'était arrêté, arrivant au lieu du pari avec près de trente minutes de retard, le sourire aux lèvres et le ventre plein.

Il aborda le passage couvert lui permettant de sortir du poste et découvrit alors le petit piège du matin. Le dallage, recouvert d'eau, rendu glissant. Par précaution, mais aussi parcequ'il l'aimait bien, le garde de ce poste avait installé un matelas contre le rempart, à la sortie du passage couvert. A cet endroit le chemin de ronde marquait un brutal angle, dont on ne voyait presque rien.

Calixte accéléra au lieu de ralentir, s'accroupissant et bloquant ses pas en arrivant sur les dalles froides et glissantes, laissant son corps le porter vers le mur, le matelas mais aussi un crochet dépassant du mur à cet endroit là et dont il se saisit pour se faire glisser dans la bonne direction. Il se redressa une fois passé cette difficulté et se redressa en toute hâte, prenant la route du dernier poste. Par mesure de précaution, il jeta un oeil derrière lui pour voir la tête des occupants du poste vaincu, lesquels gesticulaient pour le prévenir de...

VLAM.

Quelques instants plus tard, Calixte se redressa en se massant la nuque, l'air un peu inquiet mais rassuré en voyant qu'il n'avait pas fait passer la personne qu'il avait bousculé par dessus bord. Quelqu'un, enfin disons plutôt quelqu'une, s'excusait. Cette personne, par ailleurs, devait aimer l'altitude, puisqu'il s'agissait de la Dame Venaïs Ar-Vakar, qu'il avait déjà rencontré sur les toits.

- Excusez moi, Venaïs.

Il se redressa et lui tendit la main pour l'aider à se relever, tout en jetant un oeil sur le dernier poste, définitivement hors d'atteinte en trois minutes.