Comme souvent, le sommeil avait manqué, cette nuit-là, nuit froide et silencieuse. Une nuit banale, en fait. Aël ne savait pas vraiment ce qui l'avait empêcher de se laisser aller au charmant pays des rêves. Mais il savait où aller ; comme toutes ces nuits où le sommeil lui faisait défault.
Il empruntait des ruelles, des passages qui lui faisaient faire des détours. Il n'était pas pressé, et la petite promenade nocturne lui plaisait bien. Malgré les hauts murs serrés entre lesquels Aël avançait, une lumière blanche éclairait ses pas. La nuit était bien avancée déjà, et la Lune en était au milieu de sa traversée du ciel, juste au dessus de la ville.
Déjà, la porte noire. Le jeune homme savait qu'elle serait ouverte. Il se faufila entre les battants, montra rapidement son visage aux écuyers qui avaient été surpris de son intrusion, et se dirigea tranquillement vers sa stalle. Oui, la sienne. C'était Argwaël qui restait le plus souvent ici, mais Aël lui-même venait si souvent y passer du temps que c'était pour lui comme un deuxième foyer, et il considérait la stalle comme la leur, à eux deux. Argwaël. Son dragon. Un charmant dragon, même. Ou plutôt, un ami, un compagnon.
Aël gratta doucement à la porte. L'animal poussa un petit grognement et passa hâtivement sa tête au dessus de la haute porte. Son souffle chaud vint soulever les cheveux du jeune homme qui sourit et entra dans le box pour passer sa main sur l'encolure de la bête. Celle-ci posa ses naseaux sur un flanc de son compagnon et le poussa gentillement. L'autre fit quand même plusieurs pas pour reprendre son équilibre.
- Vieille brute, murmura-t-il gaiement. Tu m'attendais ? =3 C'est gentiiil
Argwaël ronfla des naseaux et se tourna vers son auge. Il avala quelques gorgées de l'alcool, puis agita sa tête imposante avec contentement.
- T'as raison, ça peut toujours aider à dormir... Non ?
Aël s'accrocha aux pointes de l'encolure du dragon et se pencha sur l'abreuvoir.
- On va dire que c'est propre
Il plongea le menton dans le liquide et happa ainsi quelques gorgées réchaufantes =)
- Bon alors, toi, fit-il en sautant sur ses pieds, passant rapidement une manche sur le bas de son visage. Près pour l'aventure ?
Aël flatta le poitrail de la bête - la plus haute partie qu'il pouvait atteindre. Argwaël se coucha en vache, sa face tranquille tournée vers son ami. Celui-ci se laissa glisser le long de l'épaule du dragon, pour s'asseoir dans la paille étonnament à peu pès propre. Il détacha son épée qu'il gardait par habitude sur lui, et la posa à ses pieds.
- Tu sais, ça sera plus les charmantes ballades d'avant. On retourne vraiment sur Seleneille...
Selenielle. Enfin, Selenielle ! Peut-être restait-il des humains sur la planète ! Jamais Aël n'avait été convaincu qu'il ne restait personne. Les dieux aussi pouvaient faire des erreurs, non ? Et si des humains subsistaient, en groupes même peut-être, formant leur propre société ? Pourquoi pas, hein ? Quelle vie morne était celle d'Ene. Une ville, une seule, une seule survivante. Le monde semblait bien petit... Il avait hâte de découvrir d'autres individus. Bien sûr, ici, il connaissait du monde. Il y avait les écuyers, quelques dragonniers déjà rencontrés rapidement, les aubergistes, taverniers et autres commerçants, et surtout les Trahr. Son foyer adoptif. Avec Rerinë, qui était juste plus âgée que lui. Elle lui avait beaucoup appri. Lire, écrire, tout ça, bien sûr, mais aussi, elle lui avait montré comment vivre parmi d'autres humains sans les haïr.
Un frisson désagréable monta soudain le long de sa colone, et vint froidement lui picoter le coup. Aël s'empara brusquement de son épée et se leva, l'air contrarié. Juste à ce moment, le dragon de la stalle voisine décida qu'il s'ennuyait un peu trop, et passa sa tête du côté d'Argwaël. Aël se cogna contre l'énorme menton de la bête, qui elle-même grogna un peu, surprise peut-être, ce qui le rassit aussitôt.