A l'ombre d'un dragon

Des pas résonnaient le long des stalles, en un son inégal, à moitié étouffé par la molesse des monticules brunâtres agglomérés sur le sol. Plusieurs adolescents s'affairaient de ci de là, portant des seaux soit plein de viande saignante, soit emplis d'une eau de feu à l'odeur entêtante. Des flaques rouges et translucides ponctuaient leurs pas, tandis qu'ils s'écartaient précipitamment en voyant s'approcher une jeune femme à l'allure martiale.

Fronçant les narines, Anésidora s'avançait, une grande besace jetée sur son épaule gauche. Elle rendit leurs saluts aux palefreniers qui s'arrêtaient sur son passage, puis jeta des coups d'oeil professionnels sur l'état des dragons et de leurs stalles. Ceux qui ne dormaient pas étaient occupés soit à manger leur pitance sanglante, soit à tendre un cou curieux pour regarder le dragonnier. Si seulement ses collègues mettaient autant d'énergie à s'occuper de leur monture qu'à se pavaner fièrement en ville... Les écuyers auraient au moins le temps et le courage de dégager le passage.

Un palefrenier s'avança vers elle en courant, l'air réjoui, un curieux objet anguleux et vert à la main.

- Dame Maiandre ! J'ai trouvé une écaille dans la stalle de Kshern !

Anésidora prit l'écaille tendue par l'adolescent, l'inspecta pour la forme et piocha quelques pièces de bronze dans sa bourse. Elle tapota négligemment une botte contre un mur d'où tombèrent quelques croûtes de bouse et répondit au jeune homme en souriant :

- Merci, Hésias. N'oublie pas de m'en rapporter à chaque fois que tu en trouves. Et fais passer le message aux autres !

Il s'éloigna, les pièces à la main, tandis qu'Anésidora rangeait l'objet dans sa besace.
Les écailles se faisaient rares, et c'était seulement la troisième fois qu'elle en trouvait depuis sa prise de fonction au sein des dragonniers. Il en faudrait encore bien d'autres pour réaliser ce que son père avait si ingénieusement pensé et mis en dessin. Et quand elle pourra le tester...

Anésidora s'arrêta net devant la stalle de son dragon, machinalement. Pléiade l'attendait, reconnaissant la démarche de sa cavalière depuis qu'elle était rentrée dans le quartier des dragons. La bête grogna en signe de bienvenue, les yeux rivés sur la besace du dragonnier, et entrouvrit une gueule pleine de dents, d'où sortit une longue langue bifide.

- Oui ma belle... Patience, laisse-moi entrer avant.

Le dragonnier ouvrit la porte de la stalle et s'engouffra entre les pattes de Pléiade, grattant au passage quelques écailles chatouilleuses. Elle suspendit sa besace à un clou rivé dans la pierre, et en sortit une pomme rouge, qu'elle lança haut vers le dragon. Des morceaux juteux voltigèrent tandis que Pléiade mâchait avec plaisir le fruit. Anésidora prit alors un gros livre à l'aspect un peu passé de sa besace. Elle attendit que Pléiade ait fini, ce qui ne tarda pas, et fit pression sur la patte avant-droite de sa monture.

- Couche-toi, ma belle. Voilà, c'est ça.

Elle s'installa tout contre son dragon, comme à son habitude, calée entre une patte et le flanc chaud. Puis, après un soupir, elle ouvrit son livre et commença à lire.

*Chapitre 3 : Les points anatomiques sensibles des Dragons*

Nouveau Dragonnier Nombre de messages : 31 Date d'inscription : 16/11/2007

Le Repaire du Dragon nommé Légion était situé à proximité de celui où révassait la Dame Maiandre. De fait un observateur attentif, ou à défaut le dernier des pâlefreniers, aurait pu vous faire remarquer que les deux stalles adjacentes à celles du dit Légion étaient vides. A vrai dire, l'on tentait parfois d'y faire vivre quelques dragons mais quelquechose dans la proximité de cet être de Feu et de Fer, peut être un peu d'Enfer, gênait les Dragons avoisinant.

Peut être était ce du au souffle de forge de la Créature... Peut être parfois au son de ses puissantes griffes raclant le sol ou les murs... ou bien, et celà était parfois pire encore, le silence de Tombe qui sourdait de sa stalle plongée dans les ombres, d'où une ombre plus sombre que le reste se tenait, sans qu'on la voit, à observer les allées et venues des pâlefreniers dans le couloir principal.

Chose rare, même son Dragonnier prenait ses précautions avant de le déranger, procédant à un rituel réglé au centimètre. Tout d'abord, il sortait une large clé et la fichait dans le verrou qui permettait de débloquer une barre de fer retenant quelques entraves sur la devanture de la stalle. Ensuite, une fois dévérouillée la porte il portait haut une lanterne, afin d'examiner les premiers mètres d'obscurité, Légion l'ayant déjà attaqué dès cet endroit là. De sa lanterne, ensuite, il prenait le temps de mettre le feu à d'autres torches, pour faire porter le domaine de la lumière plus avant dans la Caverne. Durant ces quelques phases, répétées un bon nombre de fois, Calixte - puisque c'est de lui dont il s'agit ici - gardait d'une main ferme sa lance prête à l'action.

En un sens, face à la cuirasse de la Bête, une telle arme tenait du dérisoire. Et pourtant, presque chaque jour, l'on voyait Calixte s'orienter le long de stalles, d'un pas léger. Sa lance, qui tenait autant de l'épieu que du harpon, tenue de la main droite et paresseusement appuyée sur son épaule, avec parfois en guise d'ustenciles un sac porté du bout de la lance, ce qui donnait parfois l'impression aux plus anciens qu'il partait à une partie de pêche. Et ces gars disaient "Un jour, finira dans le ventre dla Bête" et des "Céti pas dommage, pour un si aimable garçon".

Evidement, Calixte feignait ni de les entendre et moins encore d'en paraître affecté. Néanmoins, ces remarques et le comportement de sa monture, le laissaient perplexe. De une, peu de dragons se montraient ouvertement dangereux pour leur entourage direct, dragonnier ou pâlefrenier. De deux, peu de dragons inquiétaient les autres dragons. Ce qui laissait à penser à Calixte que chez Légion, quelquechose clochait.

Le Dragonnier était certes perplexe mais aussi intéressé par le phénomène, qui cachait peut être quelques sapiences secrètes et alors qu'il manipulait la clé dans la serrure de la devanture métallique, son attention fût détournée par du bruit, dans l'une des stalles avoisinantes.

- Légion... On dirait que tu as un nouveau voisin.

Ce à quoi le souffle de la Bête se fît entendre, localisant la masse de la Créature à seulement quelques pas derrière la sortie de la stalle. Calixte n'en fut pas affecté. Les écuyers avaient beau s'en inquiéter, si Légion avait déjà souhaité sortir par ses propres moyens, il l'aurait déjà fait, la serrure était moins présente pour empêcher le Dragon de sortir qu'un imprudent de rentrer.

Calixte fit quelques pas, lance à la main, jusqu'à la stalle toute proche et passa tête et épaules par dessus la barrière de bois, afin de s'enquiérir de l'indentité de ses nouveaux voisins.

Anésidora avait déjà bien avancé la lecture de son chapitre. Le dos appuyé contre le flanc de sa bête, ses doigts parcouraient des dessins fantômes dans les airs, récitant en silence les os, les muscles, les creux fragiles de la cuirasse du dragon. Bien entendu, le Livre ne prétendait pas tout savoir sur chaque espèce de dragon ; mais l'évolution etant ce qu'elle est, ils avaient tous en commun certains défauts, pas encore corrigés par la sélection naturelle. Ainsi, le dragonnier étudiait sans relâche ce qui pourrait bien un jour leur sauver la vie, à elle et à son dragon. Face à une montagne d'écailles, seul un coup de lame bien placé pouvait faire la différence ; seul un jet de flamme dirigé contre une faiblesse certaine du cuir pouvait leur assurer à toutes deux la victoire.

Pléiade eut un sursaut fumeux, une réminiscence peu galante de la pomme gobée tout à l'heure. Les volutes blanchâtres s'élevaient en tourbillonnant jusqu'au plafond rocheux de la grotte, se laissant parfois emporter par d'opportun courants d'air. Il flottait dans l'air comme une odeur aigre de cidre, comme si la digestion rapide du dragon avait produit de l'acide malique, renvoyé du tréfond de son estomac blindé.

Le dragonnier s'arracha à sa rêverie et referma le livre. Sa couverture semblait faite en un cuir épais, trop épais même pour provenir d'une bestiole commune à ce commerce ; peut-être était-ce là un souvenir lointain de l'Age d'Or des humains, lorsque les dragons n'étaient pas encore une denrée rare et vitale, et que certains jeunes étaient sacrifiés au nom de l'art. Leur peau était alors assez souple pour être travaillée, cousue par des aiguilles dignes de transpercer le thorax d'un homme. Des gravures profondes striaient le cuir, emplies de lettres d'or, dont nombre de paillettes avaient fui ; le mauvais état apparent du livre attestait incontestablement de sa valeur, de son âge. Ici et là, quelques creux bien placés marquaient la trace de nombreuses lectures intempestives et peu soigneuses ; mais d'autres vides semblaient avoir abrité en leur temps quelques cristaux rares, et pourquoi pas, quelques petites écailles de dragons, aussi régulières que saines chez les jeunes. Des armoiries frappées sur le côté et à demi effacées restaient malheureusement illisibles pour le profane, mais elles confirmaient que le livre avait appartenu à une grande famille, sûrement disparue, à ce jour. La seule certitude que le commun des mortels pouvait avoir, était que le relieur responsable de ce travail devait avoir été payé une fortune pour produire ce chef d'oeuvre.

Anésidora se releva, le livre entre les mains, et s'approcha de sa besace, tout près de l'entrée de la stalle. Elle commença a siffler entre ses dents un air que son père chantait souvent, en revenant de mission.

"Il etait un petit dragon
Il était un petit dragon
Qui n'avait ja, ja, jamais bien volé
Qui n'avait ja, ja, jamais bien volé
Ohé, ohé..."

Elle se tut, car près de la porte, une ombre avait bougé.

- Qui va là ? prononça-t-elle d'une voix ferme.

Nouveau Dragonnier Nombre de messages : 31 Date d'inscription : 16/11/2007

Calixte se tenait dans l'encadrure et fît un pas en avant, quittant la semi obscurité de l'allée centrale pour rejoindre la lumière appaisante de la stalle. Toutefois, en homme prudent, il ne se permit de ne progresser que d'un mètre, pas plus, afin de rester à distance respectable du dragon dont les dimensions, même au repos, paraissaient égaler celle déjà à peine croyables de Légion. Il leva une main gauche ouverte, signifiant un geste appaisant et des attentions pacifiques, à la fois par politesse et surtout pour assurer sa propre sécurité. Nombre de Dragonniers étaient jaloux de leurs relations avec leur Monture et n'appréciaient que peu les visites inattendues. Souvent les Dragonniers s'imaginaient comme ayant de nombreux droits sur le Peuple d'Ene, alors que la fonction avait été créée dans l'esprit inverse, celui du Devoir. Peu à peu, nombre de Dragonniers avaient commencé à s'afficher en être supérieur, appartenant à une Caste différente de celle du peuple des artisans, des commerçants et des paysans. Il humecta ses lèvres d'un peu de salive, avant de répondre d'un air qui se voulait jovial.

- Je suis votre voisin de stalle, enfin, de deux stalles, car peu de Dragons souhaient cohabiter avec le nommé Légion, que je monte.

Les doigts de sa main droite restaient cerclés autour de sa lance, laquelle, après observation tenait dans sa forme quelques particularités. La lame déjà, longue, fine et droite sur un tranchant externe se révélait barbelée sur son versant opposé. Deux ergots ensuite, l'un à l'issue du premier tiers et l'autre à la pointe extrème de l'arme. Le premier devait servir à protéger la main lorsque son possesseur usait de l'arme en tant que lance, alors que l'autre pouvait trouver une fonction en tant que crochet, ou peut être de levier afin de faire levier sur l'arme.

- Je me nomme Calixte, Cavalier de Légion.

Ses yeux se fixèrent un instant sur le Dragon, qui paraissait des plus calmes, puis sur la Dragonnière, qui devait hésiter entre le foutre à la porte et d'autres solutions. Cette dernière n'avait pas l'air des plus aimables et sociables, ce que le jeune homme pouvait parfaitement comprendre. Voire, apprécier. Vite. Dire quelquechose.
Il riva son regard sur le livre, dont la tranche, nombre de fois vue et revue témoignait des intérêts de la jeune femme.

- Le titre en est un peu effacé et les notes de pages écornées, mais il s'agît du "De Vermiis Mysteriis" n'est ce pas... Ou... Les Mystères du Ver, comme on le nomme plus souvent.

Il jetta un oeil au Dragon, tout en parlant.

- C'est un ouvrage précieux pour tout Dragonnier. Il ne faut pas le montrer... il vous en dira beaucoup sur la nature des Dragons, leurs forces et faiblesses. Mais celà ne sera pas suffisant.

Il témoigna un peu plus d'attention à la Dame, maintenant son introduction faite et un sujet de discussion trouvé.

L'inopportun intrus s'avança d'un pas prudent, pendant qu'Anésidora se tenait immobile, le livre à la main, par devant la porte de la stalle. Ce n'était pas un palefrenier, qui d'habitude se permettaient de la déranger lorsqu'ils le jugeaient nécessaire. Elle était l'un des rares dragonniers à leur écoute, ne se classant pas dans une caste à part, mais partageant avec eux le quotidien des soins apportés aux dragons. Non, il n'était pas écuyer, la lance dans sa main attestant de son rang parmi les personnes présentes ; c'était un dragonnier, tout comme elle. N'allez pas croire qu'elle fût persuadée d'être la seule à s'occuper longuement de son dragon : seulement, il était plutôt rare qu'un dragonnier ose déranger un de ses pairs dans la propre stalle de son dragon, leur fierté et leurs rivalités étant de notoriété publique. Elle avait souvent entendu des rumeurs de duels, aussi idiots qu'inutiles, servant, d'après les dragonniers concernés, d'entraînements efficaces. Pour sûr, un dragonnier mutilé, handicapé, et un dragon bien amoché voire mort devaient forcément bien remplir leur devoir envers Ene. Sans aucun doute possible.

Anésidora attendit donc qu'il se présente, campée sur ses positions et prête à remballer toute proposition mal venue.

"Je suis votre voisin de stalle, enfin, de deux stalles, car peu de Dragons souhaitent cohabiter avec le nommé Légion, que je monte."

Son sourire un peu forcé sonnait légèrement faux, comme s'il avait été un enfant en train de justifier sa présence fortuite.

"Je me nomme Calixte, Cavalier de Légion."

Pléiade remua son long cou, pour profiter d'une position plus confortable, ce qui arracha un coup d'oeil à Anésidora, vérifiant le calme de son dragon et la sécurité du Cavalier de Légion.

"Le titre en est un peu effacé et les notes de pages écornées, mais il s'agît du "De Vermiis Mysteriis" n'est ce pas... Ou... Les Mystères du Ver, comme on le nomme plus souvent. C'est un ouvrage précieux pour tout Dragonnier. Il ne faut pas le montrer... il vous en dira beaucoup sur la nature des Dragons, leurs forces et faiblesses. Mais celà ne sera pas suffisant."

Elle hésita une seconde. Qu'un inconnu connaisse si bien son livre de chevet la laissait assez perplexe, mais elle ne pouvait pas montrer son trouble. Elle afficha donc un air concentré, puis essaya de sourire à Calixte, ce qui donna un résultat assez désastreux, et se résigna à se présenter sans fioritures.

- Je suis Anésidora Maiandre, Cavalière de Pléiade.

Qu'il ne fasse pas mention de son nom de famille ne lui avait pas échappé ; mais elle n'avait rien à cacher, et donna donc son nom complet sans broncher.

- J'ai entendu pas mal de choses sur Légion, venant des écuyers. Il paraîtrait même qu'il ait croqué en son temps quelques dragonniers trop sûrs d'eux.

Elle continua après un sourire moqueur envers la légende, connaissant presque par coeur toutes les histoires à faire trembler de peur les petits nouveaux.

- Quoiqu'il en soit, je me demandais pourquoi les stalles étaient vides autour de lui, et bien... Il doit vous falloir bien du courage pour dresser une Bête pareille. Mais ne vous inquiétez pas pour Pléiade, elle en a vu d'autres, et s'il est un dragon capable d'ignorer le caractère difficile d'un autre, c'est bien elle.

Comme pour appuyer ses dires, la Demoiselle Dragonne en question émit un soupire contenté sur sa paille, renvoyant quelques fumées tourmentées au plafond. Elle ouvrit un oeil émeraude inquisiteur sur Calixte, qu'elle referma bien vite. L'appel de la sieste était bien plus intéressant à suivre que la conversation en cours entre deux humains.

- Mais dîtes-moi... Je ne connais personne encore qui ait pu me dire de loin et avec précision le titre de mon livre. Seriez-vous connaisseur ? Et pourquoi donc aurais-je intérêt à le cacher ? Bien peu de dragonniers manifestent l'envie de se cultiver plus encore sur les dragons, une fois le titre gagné. Je crois donc ne pas devoir craindre un hypothétique vol. Quant à son enseignement... Il est incomplet, certes, mais quel livre, ou quel homme, peut se vanter de tout savoir sur les dragons ? Dépasser ses connaissances est une quête peu reconnue, et difficile à accomplir, mais pourtant quasiment vitale. C'est ce que nous devrions tous rechercher, en tant que dragonnier.

Anésidora se tut brusquement, fronçant les sourcils. Il était pourtant rare qu'elle soit aussi loquace devant une personne à peine rencontrée. Mais le sujet du livre l'avait emportée un peu trop loin... Un peu trop, oui, à son goût. Restait à attendre la réponse de Calixte, qu'elle pariait soit moqueuse, soit indifférente. Il ne tarderait pas à fuir sa compagnie, lui aussi, comme les autres l'avaient fait avant lui. Sa curiosité envers sa voisine, en tout cas, ne durerait plus très longtemps.

Nouveau Dragonnier Nombre de messages : 31 Date d'inscription : 16/11/2007

- J'ai entendu pas mal de choses sur Légion, venant des écuyers. Il paraîtrait même qu'il ait croqué en son temps quelques dragonniers trop sûrs d'eux.

Le Monteur de Légion ficha sa lance dans le sol meuble de la stalle, marquant cet endroit comme son propre territoire. Lentement, il croisa ses bras, semblant réfléchir à cette remarque. Effectivement, ces histoires courraient sur le compte du Cuiracide, portées à la fois par les Ecuyers et le fait que deux des précédents monteurs aient soudainement refusé de poursuivre leur collaboration avec le Dragon.
De plus, il était nôtoire parmi les pâlefreniers que Légion était un Etre vicieux et sournois, observant les allées et venues du fond de sa stalle d'une manière parfois très... humaine.

- Celà me semble un peu surfait... mais pas impossible.

Etait il possible qu'un Dragon tente de s'en prendre à son propre Dragonnier ? Possiblement. Après tout, que savions nous des Dragons, de leurs origines, de leurs avenirs. Presque rien. La sphère Draconnique était encore un écosystème en devenir, propulsée de race animale à être dominant du nouveau monde. Ils maitrisaient les cieux, dominaient les vents, les flammes et les glaces et ne nécessitaient nulle présence humaine pour vivre ou survivre... Alors quoi... Ben rien, justement. Et tout ceci était intriguant.

Peu à peu, après avoir observé la stalle d'un oeil inquisiteur - pas de traces de griffes sur les murs, porte extérieure légère, paillasse épaisse sous le dragon, proximité avec sa cavalière - il se réorienta légèrement face à la jeune femme. Toute crainte immédiate liée à l'humeur de la bête étant éclipsée par le soudain endormissement du dragon, il se permit de se concentrer sur son accompagnatrice.

- Mais dîtes-moi... [ ... ] Dépasser ses connaissances est une quête peu reconnue, et difficile à accomplir, mais pourtant quasiment vitale. C'est ce que nous devrions tous rechercher, en tant que dragonnier.

Calixte esquissa un début de sourire, ayant ferré son interlocutrice sur un sujet ayant pour eux deux un attrait commun. Les livres. La Maison Maiandre avait de l'argent. La Maison Syram, pas même le souvenir d'en avoir possédé. De quoi tisser de forts liens d'amitiés.

- Je crois que ce livre m'appartenait, l'ayant mis en vente il y a de celà dix mois, auprès du Maître Ay-Bès, qui tient commerce de ce genre d'ouvrage, près de la place du Bon Port.

Il observa le livre un instant puis Pléïades. Sans nul doute, si la lectrice avait été attentive, avait elle cerné les atouts et faiblesses de son propre dragon. Tout comme il l'avait lui même fait envers Légion.

- Ce livre vous permettra de déterminer les faiblesses générales de nombre de Dragons, toutefois il manque un peu de détails sur les manières d'en profiter ou de compenser les faiblesses de sa propre monture.

Il posa sa main sur sa taille et se fît plus entreprenant, affichant l'air de celui qui cache un secret qui contre quelques menus rétributions, pourrait bien être révélé. De sa main gauche, il réaligna une lannière de cuir qui passait en travers de ses épaules, courant de l'épaule droite à la hanche gauche, laquelle maintenait en place une sacoche de cuir rigide fermement plaquée contre lui, ayant la hauteur d'une main. De la main droite, il extirpa sa lance du sol et la braqua vers le sol, afin de ne point paraître menaçant.

- Des Livres, j'en possède quelques uns, dont certains concernent le sujet des Dragons... Anatomie... Croquis d'observation.. et même...

Il se permit un sourire amical, transformant son air parfois un peu neutre en attitude bienveillante.

- Des... Contes et Contines.

Anésidora s'avança de quelques pas tout contre la porte de sa stalle et s'y accouda, le livre toujours à l'abri serré dans ses bras. Fine comme elle était, elle ne cachait guère le reste de la pièce, et elle permit consciemment à Calixte d'observer l'intérieur de ce qu'elle considérait - de même que tous les dragonniers envers leur stalle - comme son propre territoire. La façon dont le cavalier de Légion maniait sa lance lui laissait penser qu'il devait être un bon lancier, peut-être même était-ce là son arme de prédilection ; que ce soit une arme nécessaire pour maintenir Légion à distance ne lui effleura pas une seconde l'esprit. Pléiade l'avait acceptée toute petite, et depuis toujours ou presque, se souvenait-elle, la paille où la dragonne dormait était nettoyée et changée pratiquement tous les jours par ses soins. Elle avait eu le temps de la connaître par coeur, ses humeurs, ses envies, ses attaques. Non pas qu'elle ignorât tout danger en présence de sa propre monture - Vigilance Constante, lui avait répété sans cesse son père - mais pour l'instant, la Demoiselle Ecailleuse rêvait paisiblement. Sans doute de chasse aux pommes. Ou de Migrant grillé farci aux pommes. Posséder une langue bifide ne lui empêchait pas d'avoir bon goût, après tout.

"Je crois que ce livre m'appartenait, l'ayant mis en vente il y a de celà dix mois, auprès du Maître Ay-Bès, qui tient commerce de ce genre d'ouvrage, près de la place du Bon Port."

Les doigts de la Cavalière de Pléiade se refermèrent plus fort sur le livre en question. Maître Ay-Bès, oui, c'était bien ainsi que le libraire et bouquiniste s'était présenté devant elle, lorsqu'il avait ferré la bonne affaire, et surtout, sa bourse pleine de pièces. Certes, il l'avait bien aiguillée, puisqu'elle était ressortie de la boutique amoureuse du cuir vieilli du "De Vermiis Mysteriis" ; mais elle l'avait alors soupçonné de l'avoir volé dans une de ses grandes maisons ruinées depuis l'envol. Le prix du livre avait été son premier indice. Le second, la qualité de la reliure, quoique aujourd'hui, bien trop abîmée pour intéresser les gens du commun.

"Ce livre vous permettra de déterminer les faiblesses générales de nombre de Dragons, toutefois il manque un peu de détails sur les manières d'en profiter ou de compenser les faiblesses de sa propre monture."

Anésidora hocha la tête, plus en signe d'écoute qu'en signe d'aquiescement. L'avait-il donc appris par coeur ? Etonnant, oui, étonnant de la part d'un jeune dragonnier. Peut-être n'était-ce donc pas un de ces crétins sans cervelle tout juste bons à enamouracher les cruches de bonne famille...

"Des Livres, j'en possède quelques uns, dont certains concernent le sujet des Dragons... Anatomie... Croquis d'observation.. et même... Des... Contes et Contines."

Ses yeux s'écarquillèrent un peu, comme s'ils pouvaient remplacer ses oreilles et réentendre à leur place ce que Calixte venait de dire. Puis, se relâchant complètement devant la plaisanterie, la demoiselle baissa la tête, laissant tomber quelques mèches devant ses yeux, et se releva d'un geste, basculant le livre dans une seule main et chassant de l'autre les cheveux de son visage, ceint d'un grand sourire.

- Des Contes et Contines... Voilà des écrits que je serais ravie de lire, s'il me l'était permi, à la fois par le temps et par leur propriétaire.

Elle se tût quelques instants, réfléchissant à la manière la plus délicate de prononcer les prochains mots, mais renonça bien vite. La curiosité, après tout... manquait souvent de tact.

- Ces livres seraient-ils aussi à vendre ? Dans ce cas, réfléchissez bien au prix... Le "De Vermiis Mysteriis" ne m'a pas coûté le quart de ce qu'il vaut réellement. Il est certes abîmé, et passerait inaperçu pour nombres de personnes, mais comme dit le proverbe : Il ne faut pas juger le livre à sa couverture...

Pour laisser le temps de réflexion nécessaire au jeune homme, Anésidora se recula dans le box, se résignant à ranger le livre dans sa besace suspendue à un crochet du mur. Comme répondant à un signal invisible, Pléiade releva brusquement la tête, les yeux à demi-ouverts, guêtant les moindres gestes de sa cavalière. Laquelle décrocha la besace et la passa sur une épaule, en travers de la poitrine, pour lui libérer les mains. Lesquelles farfouillèrent un instant dans une des poches du sac, puis en sortirent une pomme bien rouge. Anésidora pivota dans un geste machinal, pour faire face à son dragon, et lui lança la pomme, en plein dans la poire.

La Bête l'attrapa en plein vol, comme à son habitude, et planta un coup de dent meurtrier dans la chair juteuse. Quelques morceaux continuaient encore de voler à travers la stalle, et même à travers le couloir, lorsque Pléiade, contentée, laissa retomber sa tête sur le sol, les yeux clos, la narine ronflante.

Sa cavalière essuya son visage plein de jus du revers de la main, se jurant de trouver des pommes moins juteuses à l'avenir, et se retourna vers Calixte, qu'elle fixa d'un air gêné, mais le sourire aux lèvres. La pomme avait fait plus d'une victime.

- Oh... Désolée...

Nouveau Dragonnier Nombre de messages : 31 Date d'inscription : 16/11/2007

Calixte sentit ses sourcils se soulever d'eux même, affichant bien malgré lui et sous l'effet de la surprise, un air comique. Du revers de la main et de quelques mouvements usités, il se dégagea des copeaux de pommes qui avaient volé jusqu'à lui, prenant juste le temps de repérer les taches ainsi créées. Pour la défense de Pléïades, qui semblait n'en avoir cure, la tenue du Dragonnier se montrait déjà fatiguée à en faire frémir un oeil de couturier. Usée par endroits, pour ne pas dire rapiécée, elle portait par ailleurs quelques taches non causées par la crace mais par de trops fréquents passage au lavoir.

- Ce... n'est rien.

Effectivement, il ne semblait pas faire grand cas de ce petit évènement. Là où d'autres Monteurs de Dragons auraient fait scandale, lui se contenta d'une petite moue embêtée, pensant déjà aux réprimandes qui allaient pleuvoir de la bouche de Sury. Il observa le rouge dragon d'un air bienveillant et ficha sa lance sur son épaule, un peu comme le ferait un pêcheur le ferait d'une canne à pêche.

- Si vous aimez les livres, je peux vous en fournir d'autres, du même acabit.

Il tourna le dos franchement à la Bête - le Dragon, pas la cavalière - et de quelques pas sortit de la stalle. Une fois dans le couloir, il sembla réfléchir quelques instants à quelques plans secrets, principalement, comment justifier de s'être si vite taché auprès de Sury. Il réajusta son sac de cuir aux lannières passées sur son torse et sa cuisse, lesquelles le maintenaient sur sa hanche gauche, bien en place pour y farfouiller de la main droite, ou gauche.
Sa main gauche actionna le fermoir dans un petit bruit d'entrainement métallique, signifiant la présence d'un système de fermeture assez élaboré pour un si petit objet , puis elle disparut un instant avant d'en faire émerger un calepin à la couverture d'un cuir mât.

- Si vous êtes intéressée par l'achat d'autres livres, pour seulement la moitié de leur valeur de vente, vous pourrez me trouver à cette adresse...

Il lacha sa lance de la main droite, laquelle, un peu comme par magie, mais surtout par la présence d'un ergot ayant trouvé prise dans une de ses lannières, resta en suspension contre lui pendant qu'il sortait un crayon à papier pour griffonner son adresse et dessiner quelques unes des rues attenantes à la Demeure un brin connue sous le sobriquet de Maison-Ruine, autrefois Beau-Manoir.

- A moins que vous ne souhaitiez m'y accompagner de ce pas ?

La cavalière suivit des yeux le tracé du crayon. Ce quartier était connu ; il était même réputé pour être l'un des plus riches de la ville. Ce qui était somme toute intéressant, car la maison devait sûrement regorger de livres. Dont la demoiselle était bien évidemment très friande. Le nom de la maison, Beau-Manoir, lui rappelait quelques soirées de son enfance où son père, recevant des Messieurs fortunés bienveillants envers les dragonniers, l'envoyait dans sa chambre sans cérémonie pour éviter, à lui et à ses invités, certains désagréments bien fréquents avec des enfants. Ce qu'elle ne respectait d'ailleurs pas du tout : une fois la porte fermée, et la discussion bien lancée, la petite se pointait sur les pointes des pieds et espionnait sans remord les affaires des grands de son monde. La Maison Beau-Manoir, se souvenait-elle, avait été souvent citée lors de ces discussions.

Anésidora réfléchit quelques secondes, n'ayant pas souvent eu l'occasion de fouiner avec permission les bibliothèques prestigieuses d'Ene. Accepter les invitations n'était pas vraiment son genre, mais il fallait bien un début à tout.

- Je suis intéressée, c'est certain.

Anésidora sortit à son tour, puis ferma la porte de sa stalle, tout en jetant un coup d'oeil à Pléiade, toujours endormie. Elle hocha la tête en se retournant vers Calixte, et calcula combien à son avis elle s'apprêtait à dépenser. Sûr que sa paie du mois pourrait y passer ; mais peu importait, elle avait en réserve pas mal de mois écoulés, ainsi que la moitié de la pension accordée à sa mère, veuve d'un dragonnier disparu en mission.

- Parfait. Si vous avez du temps à me consacrer pour ces livres, je serais ravie d'en profiter dès maintenant. Cependant...

Elle montra d'une façon éloquente ses vêtements sales ainsi que le lieu les entourant.

- Il serait impoli que je vienne chez vous vêtue ainsi. Si vous pouviez m'attendre, il ne me faudra pas plus d'une demi-heure pour me rafraîchir et être présentable.

Nouveau Dragonnier Nombre de messages : 31 Date d'inscription : 16/11/2007

- Je vous en prie, prenez votre temps.

Calixte s'écarta de la stalle de Pléïade et s'orienta vers celle qui abritait la sombre présence de Légion, lance à la main. Trente minutes pour une femme en train de se refaire une mise présentable tendaient usuellement à deux heures de temps chez un homme.

La Bête, repliée et pourtant monstrueusement longue dans la sombre stalle, l'observait du fond de la caverne. Son corps, ponctué de nombreux ergots destinés à déchirer les corps adverses tentant de le retenir - mais quelle autre créature serait assez folle pour tenter de le maintenir - alternait avec des plaques osseuses externes dont la forme évoquait celle d'une armure et l'apparence, celle d'une pierre polie par les flammes.

Le Dragonnier ficha sa lance dans le sol meuble et s'élança vers la Créature. Il trouva ses prises habituelles sur le corps de la Bête et se hissa sur son dos, sans que ce dernier ne semble s'en émouvoir. De yeux il observa quelques minutes le dos de son compagnon puis, alors que rien n'annonçait une telle manoeuvre, inversa l'orientation de son corps.

Ses mains trouvèrent le sol alors que ses pieds semblaient chercher à snobber le plafond. Tout en faisant l'arbre droit, Calixte se déplaçait, les yeux semi fermés, ne les ouvrant que lorsque sa mémoire faisait défaut à ses mains. Il y avait quelquechose d'étrange à voir ce funambuliste pratiquer un tel spectacle au dos d'un Dragon si mal réputé. Et pourtant, tout semblait indiquer que ce manège masquait un sens secret... Mais lequel... Faire travailler sa mémoire ? Son sens de l'équilibre ? Peut être éprouver la confiance de son Dragon ? Ou sa patience ? Qui aurait pu le dire... Pas à pas, ou plutôt, main à main, Calixte entama un passage difficile, presqu'au bas du dos de la Bête, quand sa main droite glissa sur une plaque plus lisse que sa mémoire ne l'avait enregistrée. Il chavira légèrement, tangua comiquement en cherchant à s'aggripper des pieds en l'air puis finit par se reprendre, retrouvant son équilibre grace à une pointe qui aurait pu lui traverser la paume de la main mais qui avait su se présenter sous un bon angle.

Accessoirement, Légion avait replié sa queue pour récupérer son Cavalier en cas de chute, d'un mouvement ample et ondulatoire, néanmoins suffisant à s'assurer que l'équilibriste n'aille pas se rompre le cou quelques trois ou quatre mètre plus bas.

La tête toujours en bas, soufflant lentement du fait de la longueur de l'exercice et de la tension croissante sur son bras et abdominaux, Calixte réouvrit les yeux. Arrivé à la pointe du corps de son Dragon, là où la hauteur se faisait minimale, il laissa ses pieds basculer et chuter dans le vide, glissant dans l'air pour se reprendre souplement quelques mètres plus bas. Durant la réception il ne lutta pas contre le mouvement et ploya comme il le fallait pour ne pas contrarier le poids de sa chute volontaire. Quelques instants après, ayant repris son souffle, il se redressa et tapotta le corps de la Bête du plat de la main, comme le ferait un acrobate envers un autre à la fin d'un numéro de cirque.

Il osculta ses vêtements, taché de pomme et d'autres choses et s'orienta contre le mur, récupérant et passant autour de lui un large mantel le couvrant de pied en capuche. Il s'orienta vers la sortie de la stalle quand un nuage de poussière, soulevé hors du sol par le souffle du Dragon, le dépassa et l'enveloppa, signifiant un dernier message. Celui de ne pas tourner le dos trop facilement à Légion.

Calixte se passa la langue sur les lèvres et fit les derniers pas le ramenant dans le couloir, fermant la stalle à double tour, pour la sécurité des petits curieux.

Il n'en fallut pas plus à Anésidora pour s'exécuter. D'un ample mouvement, elle avait tourné les talons sans autre cérémonie, et s'enfuyait à présent à pas si rapides que sa besace volait derrière elle, retenue seulement par une lanière passée en travers de la poitrine de la jeune femme. Elle quitta sans s'arrêter l'écurie des dragons, et se rua dans l'allée qui menait directement aux dortoirs des dragonniers. Au risque de renverser divers passants et de s'attirer foudres et insultes peu flatteuses, Anésidora se mit à courir, de plus en plus vite, d'une foulée souple et légère mais non pas moins efficace, tout en bousculant les imprudents sur son passage. Les livres n'attendaient pas. Elle ne commença a ralentir que lorsque la porte de sa chambre se rapprocha dangereusement de sa trajectoire, l'obligeant, quelques secondes plus tard, à freiner de toutes ses forces pour ne pas s'écraser honteusement contre le bois massif.

La respiration rapide, la cavalière ramena sa besace sous ses yeux, et fouilla fébrilement l'intérieur, jusqu'à en sortir, un sourire sur les lèvres, un trousseau de clés. Choisissant la bonne avec soin, elle ouvrit sa porte et la referma derrière elle, la clé sur la serrure, prête à repartir. Sa chambre était standard, peu décorée, comme si elle n'était pas plus une pièce personnelle que le mess des dragonniers. Les seuls aménagements qu'Anésidora avait apporté à la pièce étaient une étagère couverte de livres et une petite commode sous la fenêtre. Elle se dirigea vers celle-ci, tout en ayant soin de déposer sa besace délicatement sur le sol, à côté de ses bottes déchaussées ; ses vêtements, au contraire, étaient jetés au hasard dans la pièce, gardant seulement sur elle ses sous-vêtements. S'approchant de la fenêtre, elle jeta un coup d'oeil rapide au paysage qui s'étalait devant elle, à savoir la Tour et le ruisseau du Solitaire. La lumière se reflétait paresseusement sur l'eau, tandis que le soleil continuait sa course, imperturbable, bien au-delà de la ville d'Ene. Le temps pressait ; Anésidora n'avait plus le loisir de s'attarder trop longuement pour se préparer et retourner auprès de Calixte, le cavalier de Légion. Elle n'avait pas pour habitude d'être en retard, elle se pressa donc d'avantage. Elle prit alors sur la commode une cruche remplie d'eau et en versa une grande quantité dans une bassine de porcelaine, puis, attrapant un petit flacon posé non loin du récipient, elle en déposa quelques gouttes dans l'eau. Une légère fragance de violette s'en échappa, plus présente pour masquer l'odeur forte du dragon plutôt que pour parfumer vraiment l'utilisateur. A l'aide d'un gant, la jeune femme frotta vigoureusement son visage, son cou, sa nuque, puis ses bras ; sa peau rougie semblait s'offusquer de ce traitement peu respectueux. Elle passa ainsi le gant rapidement sur les autres parties de son corps, moins exposées à la saleté des stalles ; elle abandonna là sa toilette, l'estimant bien moins efficace qu'un réel bain, mais assez nettoyant pour faire l'affaire, vu les circonstances. Elle se retourna face à son armoire, et en retira sans réfléchir quelques vêtements, qu'elle revêtit avec les gestes de l'habitude. La tenue choisie était effectivement celle de tous les jours, peu féminine, mais bien plus pratique qu'une robe. Un pantalon brun moulant rentré dans ses bottes de cuir souple, une chemise blanche un peu bouffante pour lui laisser une grande libertée de mouvement et une veste sans manches en cuir vieilli assortie au pantalon, fermée, ceintrant la taille. Enfin, Anésidora attrapa sa besace, et avança la main vers la clé lorsqu'elle recula précipitament sur sa bibliothèque, en tira un livre comme choisi au hasard et l'ouvrit, révélant une enveloppe pleine d'argent dont elle fourra une bonne moitié à l'abri dans les replis de son sac.

- J'allais oublier l'essentiel... souffla-t-elle dans un demi sourire.

Puis, ouvrant à nouveau la porte de son appartement et la fermant derrière elle, elle reprit sa course en sens inverse, se dirigeant vers l'entrée des stalles des dragons. En chemin, elle se rappela soudainement un certain détail qu'elle oubliait souvent ; elle porta une main à ses cheveux et dénoua le lien qui les retenait maladroitement, libérant ainsi des mèches rebelles qui dévalèrent ses épaules en une cascade brune. De ses doigts, elle tenta de les mettre un peu en ordre mais elle abandonna vite l'idée, préférant accélérer sa course plutôt que ralentir pour des questions futiles. Arrivée tout près de l'écurie, elle regarda la position du soleil dans le ciel pour s'assurer qu'elle était encore dans les temps ; en effet, elle était en avance de quelques minutes, ce qui lui laissait le loisir de reprendre doucement son souffle au gré d'une marche lente. Elle s'arrêta néanmoins aux portes des premières stalles, ne voulant pas être contaminée par l'odeur des bêtes, et agita la main en direction de la stalle de Légion, d'où son cavalier sortait. Elle eut encore un sourire, en repoussant une mèche de cheveux de devant ses yeux, et lança d'une voix calme sans trace d'essouflement :

- Me revoilà.

Nouveau Dragonnier Nombre de messages : 31 Date d'inscription : 16/11/2007

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